ARNAUD MONTEBOURG

« Je pense que nous pouvons remonter les salaires. Les Allemands l’ont déjà fait, plus 5%. »

Arnaud Montebourg, candidat de la primaire du PS, a vanté les mérites des revalorisations de salaires et a déclaré : « Je pense que nous pouvons avoir une stratégie progressive de remontée des salaires dans tous les pays. Les Allemands l’ont déjà fait, +5%, mais ce n’est pas suffisant. » Une affirmation imprécise et en réalité plus complexe.

 

LE CONTEXTE

Arnaud Montebourg était l’invité de Jean-Jacques Bourdin dans « Bourdin Direct » sur BFM TV et RMC le 30 novembre. Lors de son interview, il a déclaré : « Je pense que nous pouvons avoir une stratégie progressive de remontée des salaires dans tous les pays. Les Allemands l’ont déjà fait, +5%, mais ce n’est pas suffisant. » Il n’a pas totalement tort : une partie des salaires des Allemands a bien été augmentée… mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Cette revalorisation des salaires est progressive et elle concerne uniquement certaines branches où les syndicats sont parvenus à un accord.

 

L’explication

En avril, le syndicat du secteur des services, Ver.di, a conclu un accord avec l’Etat et les communes pour augmenter les salaires des fonctionnaires de 4,75% sur deux ans. Une augmentation importante au vu de la faible inflation mais en-deçà de ce que réclamait initialement le syndicat (6%).

Grâce à cet accord, les salariés de la fonction publique ont bénéficié d’une hausse de salaire de 2,4 % en mars, et celui-ci sera à nouveau augmenté de 2,35% en mai prochain. Cette augmentation qui concerne un peu plus de 2,1 millions de fonctionnaires. Dans un communiqué de presse, le président du syndicat Frank Bsirske s’est félicité de cet accord : « Le résultat est un compromis qui augmente de manière significative les salaires réels, renforce le pouvoir d’achat et contribue à rendre la fonction publique plus attractive en Allemagne. »

Un mois après cet accord, en mai, le syndicat de l’industrie allemande IG Metall de Rhénanie-du-Nord-Westphalie s’est entendu avec le patronat pour augmenter les salaires de ses adhérents de 4,8% sur 21 mois. Le but de cette revalorisation ? Stimuler la demande et donc soutenir la consommation. Cette augmentation a été négociée au niveau régional mais elle devrait être calquée dans tous les Länder du pays et ainsi concerner 3,8 millions de salariés.

Mais leur rémunération n’est pas déjà augmentée de 5%. En effet, cette hausse s’effectue là aussi en plusieurs temps. Après ces pourparlers, les salariés ont reçu une prime de 150 euros en avril, mai et juin et ont vu leur rémunération augmenter de 2,8% le 1er juillet. En avril 2017, leur salaire sera revalorisé de 2%.

Il semblerait que ces accords salariaux aient donné le ton puisque depuis, d’autres branches sont elles aussi parvenues à des compromis grâce aux négociations entamées par leurs syndicats : les 550 000 salariés employés dans le secteur de la chimie verront leur rémunération augmenter de 5,3% sur deux ans, ceux du BTP également de 5% environ



Des salaires globalement en hausse

On s’aperçoit donc que ces augmentations conséquentes de salaires concernent des branches bien particulières où des accords ont été négociés par les syndicats et non tous les salariés allemands. De plus, l’Allemagne reste un pays avec de nombreux emplois précaires où le faible taux de chômage s’explique en partie par la compétitivité des “Minijobs” sous-payés.

Cependant, si tous les salariés ne vont pas bénéficier de cette hausse des salaires, la tendance est globalement à la hausse Outre-Rhin. D’après un rapport du Destatis, l’office allemand de la statistique, les salaires réels ont augmenté de 1,7% en 2014 et de 2,5% en 2015 par rapport à l’année précédente. Une hausse qui s’explique entre autres par l’entrée en vigueur du salaire minimum, salaire qui devrait lui aussi être revalorisé pour passer de 8,50 euros brut de l’heure à 8,84 euros en janvier 2017. De plus, le syndicat IG Metall avait déjà négocié une hausse des salaires de sa branche à hauteur de 3,4% sur l’année 2015.

Globalement, ces revalorisations de salaires s’expliquent pas la bonne santé de l’économie allemande et par une conjoncture favorable. Avec un taux de chômage assez bas (4,2% en juillet 2016 selon Eurostat), les syndicats ont de plus grandes marges de manœuvre. Il est difficile d’imaginer de telles négociations en France, où les syndicats sont moins influents et où le taux de syndicalisation est nettement inférieur (11% en France en 2013, contre autour de 18% en Allemagne).

Chloé Marriault