ARNAUD MONTEBOURG

« LES ITALIENS N’ONT PAS CONNU DE CROISSANCE DEPUIS UNE DÉCENNIE »

 

L’ancien ministre Arnaud Montebourg a dressé un sombre bilan de l’économie italienne, affirmant entre autres que le pays n’a pas connu de croissance depuis dix ans, et que le revenu moyen a baissé. Malgré les difficultés économiques auxquelles fait face l’Italie depuis des années, les déclarations du candidat à la primaire de la gauche sont approximatives.

LE CONTEXTE

Au lendemain de la démission du président du Conseil italien, Matteo Renzi, Arnaud Montebourg a réagi au micro de Public Sénat, TV Sud et Midi Libre, lundi 5 décembre. L’ancien ministre de l’Economie a notamment affirmé que « les Italiens n’[avaient] pas connu de croissance depuis une décennie » et que « l’explosion des inégalités est allée de pair avec la chute du revenu moyen ».

L’explication

Dans son raisonnement global, Arnaud Montebourg dresse un portrait plutôt réaliste de l’économie italienne, qui est parmi les plus fragiles d’Europe. Avec 19,9% de la population touchée en 2015, l’Italie a un taux de pauvreté supérieur à la moyenne européenne (17,3%), un niveau comparable à d’autres pays du sud (19,5% au Portugal, 21,4% en Grèce, 22,1% en Espagne) selon Eurostat.

Par ailleurs, le taux de chômage y est également un des plus élevés (11,6% de la population active) et vient de dépasser celui du Portugal (10,8% de la population active) en octobre 2016, se plaçant ainsi derrière l’Espagne (19,2% de la population active) et la Grèce (23,5% de la population active).

Plusieurs années de croissance

Néanmoins, l’ancien ministre de l’Economie a fait preuve d’approximation dans son argumentaire. Contrairement à ce qu’il affirme, l’Italie a bien connu la croissance plusieurs fois depuis 2005, même si son taux s’est toujours trouvé en dessous de la moyenne européenne, y compris lors de ses années les plus fructueuses entre 2005 et 2007 et en 2010. Le pays a été heurté de plein fouet par la crise économique de 2008 (-5,5% de taux de croissance en 2009). Après une phase de reprise en 2010 (1,7%) et 2011 (0,6%) suivie d’une rechute en 2012 (-2,8%) et 2013 (-1,7%), l’Italie connaît de nouveau la croissance depuis deux ans, et ses prévisions pour 2016 et 2017 sont de l’ordre de 0,8% et 0,9%.

Des inégalités stabilisées

Arnaud Montebourg parle également d’une « explosion des inégalités ». Pour mesurer ces inégalités, il convient généralement d’utiliser le coefficient de Gini, qui est une mesure statistique de la dispersion d’une distribution dans une population donnée en utilisant une échelle de 0 à 100, 0 étant le plus égal et 100 le plus inégal. Encore une fois, l’Italie fait partie des mauvais élèves de l’UE, avec un coefficient de Gini égal à 32,4,  et donc supérieur à la moyenne européenne (31).Pour autant, il est exagéré de parler d’une « explosion des inégalités ». Contrairement à des pays comme la France (+1,9), l’Espagne (+2,7) ou le Danemark (+3,7), l’Italie (+0,3) a réussi à stabiliser son coefficient entre 2006 et 2015. Ce dernier est même en baisse de 0,4 par rapport à l’année 2013 (32,8).

Un revenu moyen en hausse depuis 2012

Enfin, Arnaud Montebourg évoque « une chute du revenu moyen ». Ce fût le cas entre 2010 et 2012, notamment en raison du faible taux de croissance. Mais selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE), le revenu annuel moyen en Italie est en légère hausse depuis 2012. En 2015, il atteint 34140 dollars, soit 31826 euros, un chiffre qui se rapproche du montant recensé dix ans plus tôt.

Aujourd’hui encore, l’Italie est en dessous des moyennes européennes dans la plupart des aspects économiques. Mais la dynamique actuelle, enclenchée en 2012, nuance les propos exagérés d’Arnaud Montebourg sur l’évolution de la croissance et des revenus.

Antonin Deslandes