BENOÎT HAMON

« D’ici 2050, il y a aura un milliard de déplacés, en raison du réchauffement climatique, notamment en Afrique Subsaharienne »

 

Lors de son meeting à Arras le 23 février, Benoît Hamon a affirmé que le nombre de déplacés atteindrait, en 2050, un milliard de personne dans le monde. Mais ce chiffre est imprécis puisqu’aucune étude n’a réalisé de véritables projections sur le nombre de déplacés dû au changement climatique.

LE CONTEXTE

Le candidat du PS, Benoît Hamon était en meeting à Arras, le 23 février dernier. Une date clé dans la campagne du candidat de la gauche puisqu’elle correspond à celle du ralliement de Yannick Jadot, le candidat d’Europe Ecologie les Verts (EELV), à Benoît Hamon. Le candidat défendait déjà les enjeux environnementaux mais l’occasion était pour lui d’accentuer ses propositions en faveur de l’environnement. Le candidat alerte d’ailleurs sur la transformation de nos modes de vie en raison du réchauffement climatique. « Si aujourd’hui ce ne sont que des petits signes qui modifient notre quotidien, un paysage qui change, la disparition d’une espèce, un insecte que l’on ne voit plus. Ailleurs, ces petits signes sont devenus des grands signes déjà, des terres qui deviennent invivables, trop arides, trop sèches et qui engagent des migrations», précise-t-il.

Des changements qui auraient, selon lui, à leur tour pour conséquence un déplacement massif de populations : « On estime que d’ici 2050, il y a aura un milliard de personnes déplacées, donc qui quitteront le lieu où elles vivent, en raison du réchauffement climatique, notamment en Afrique Subsaharienne. » Une affirmation qui ne s’appuie sur aucune projection.

 

L’EXPLICATION

Un milliard de déplacés d’ici 2050 en raison du réchauffement climatique ? Benoît Hamon avance un chiffre qui n’a été prouvé par personne. Même l’UNHCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) et l’ONU (organisation des Nations Unies) ne se sont pas aventurés sur ce terrain. « C’est impossible à dire exactement combien de personnes seront déplacées en raison du réchauffement climatique en 2050 ou même en 2100 parce qu’il y a une multitude de facteurs qui rentrent en compte : comment vont évoluer les effets sur l’environnement ? Quelles vont être les adaptations des pays face à de nouveaux climats ? », explique Justin Ginnetti, du centre de suivi des déplacements internes (Internal Displacement Monitoring Centre) en lien avec l’UNHCR.

Le dernier chiffre publié par l’ONU concernant le nombre de déplacés en raison du changement climatique date de 2008 et annonce que 250 millions de personnes quitteront leur pays d’ici 2050. Un chiffre aujourd’hui caduque. « Les recherches ont démontré la complexité du lien de causalité entre changement climatique et déplacement, si bien qu’à ce jour, il n’existe pas un seul chiffre sur le nombre de personnes susceptibles d’être déplacées dans le monde d’ici 2050 ou 2100 par les effets du changement climatique », détaille Marine Franck, responsable des déplacements dus aux changements climatiques de l’UNHCR.

François Gemenne, chercheur en sciences politique à l’université de Liège (CEDEM) et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste des migrations environnementales, admet que ce chiffre d’un milliard de déplacés est toutefois possible. « Tout dépend de ce que sera la dégradation de l’environnement. Pour le moment, nous allons vers une dégradation de très grande ampleur. Par ailleurs, si nous prenons en compte les impacts directs et indirects du réchauffement climatique, le chiffre d’un milliard paraît presque sous-estimé mais nous ne pouvons rien affirmer », précise-t-il. Pour le chercheur, il faut aussi savoir si l’on parle du nombre annuel de déplacés ou de celui cumulé sur plusieurs années. « Le seul chiffre qui est solide scientifiquement aujourd’hui est celui de 26 millions de déplacés chaque année en moyenne à cause de catastrophes naturelles », nuance-t-il. Un chiffre auquel il faut ajouter les dégradations plus lentes de l’environnement comme « la hausse du niveau de la mer ou la dégradation des sols, mais il n’y a pas de chiffre pour cela », affirme le chercheur. Si un bilan est réalisé sur la question des déplacés climatiques, il n’y a en revanche pas de projections annoncées sur cette question. Et l’incertitude du futur ne permet pas d’en réaliser.

 

Virginie Tallio, chercheuse au Makerere Institute of Social Research, à Kampala, en Ouganda, confirme les propos de François Gemenne sur la méthode de calcul mais reste circonspecte quant au chiffre de 1 milliard. « Cela me parait vraiment énorme. Il faut savoir ce que l’on prend en compte dans ce chiffre : les déplacés qui partent uniquement parce qu’il y a des sécheresses ou des montées des eaux ou est-ce que l’on tient compte des déplacés qui sont partis pour des raisons écologiques, qui elles-mêmes ont eu pour conséquence une guerre civile. Ainsi, les déplacements peuvent être le résultat de plusieurs raisons », argumente-t-elle.

 

Des déplacés aussi à cause des manquements de l’État

Benoît Hamon précise également dans son discours que l’Afrique Subsaharienne serait la partie du globe la plus touchée par le départ de sa population en raison des conséquences du réchauffement climatique. Si l’Afrique Subsaharienne serait en effet une des parties du globe les plus touchées, avec l’Asie du Sud et du Sud-Est selon Virginie Tallio, c’est surtout parce que certains de ces pays sont confrontés à des manquements de l’Etat face aux conséquences du changement climatique. « Ces déplacés écologiques sont dans une situation où, souvent, ils doivent quitter leur pays parce que l’État n’est pas capable de mettre en place des mécanismes pour les protéger de cette situation comme une régulation des prix pour éviter la spéculation sur les produits alimentaires par exemple », précise-t-elle. Ainsi, le manque de solutions et d’alternatives sont également des problèmes à résoudre. « En Ouganda, l’Etat est encore capable de créer des systèmes pour éviter des situations de famine. Dans le Sud Soudan en revanche, ce n’est pas forcément le cas », ajoute-t-elle.

Jointe par Factoscope, l’équipe de campagne de Benoît Hamon n’a pas souhaité nous apporter ses précisions. Quoi qu’il en soit, le candidat ne peut pas affirmer qu’un milliard de personnes seront déplacées d’ici 2050 à cause du changement climatique puisqu’aucune projection scientifique n’a été réalisée, dû notamment à la complexité de l’évolution de la question environnementale. Toutefois, il a raison en indiquant que l’Afrique Subsaharienne va être une des parties du globe la plus touchée par ces déplacements de population, qui est d’ailleurs, selon François Gemmene, « déjà touchée par un exode rural massif ».

 

Apolline Merle

Source à consulter

  • UNHCR, « Frequently Asked Questions on Climate Change and Disaster Displacement »