BENOÎT HAMON

« L’école française est l’école européenne où la reproduction sociale est la plus forte »

L’école française est réputée pour être un lieu de reproduction des inégalités sociales, ce contre quoi dit lutter la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Pour Benoît Hamon, l’école française domine même toutes les écoles européennes en termes de reproduction sociale. En réalité, la France se situe à un point du Luxembourg et de la Hongrie.

LE CONTEXTE

Benoît Hamon était l’invité de l’émission “Punchline” sur C8 le 5 mars. Interrogé sur ce qu’il pensait de la politique éducative que souhaite appliquer Emmanuel Macron, l’ancien ministre de l’Éducation a accusé son concurrent de « parler de choses qu’il ne connaît pas, inspiré par des gens qui ne connaissent pas les questions éducatives ». Il a insisté : « Emmanuel Macron, je le trouve assez immature sur l’école. » Benoît Hamon en a profité pour rappeler que « l’école française est l’école européenne où la reproduction sociale est la plus forte ».

 

L’EXPLICATION

En décembre 2016, au vue des résultats de l’étude Pisa 2015, la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem a eu cette phrase choc : « La France est le pays de la reproduction sociale ». Cette « reproduction sociale » est un phénomène sociologique qui conduit à la transmission d’une position sociale d’une génération à une autre. Pisa, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, est organisé dans les pays de l’OCDE et vise à évaluer tous les trois ans les systèmes éducatifs de quelques 70 pays.

Benoît Hamon va dans le sens de la ministre de l’Éducation lorsqu’il explique que l’école française domine toutes les écoles européennes en termes de reproduction sociale. Les résultats du programme Pisa montrent que la France est l’un des pays où l’écart entre les résultats des élèves de 15 ans issus de milieux socio-économiques défavorisés et ceux issus de milieux favorisés est le plus important. D’après la note rédigée par l’OCDE pour la France, « le milieu socio-économique explique en France plus de 20 % de la performance obtenue par les élèves de 15 ans (contre seulement 13 % pour la moyenne des pays de l’OCDE) ». Si le système scolaire français est très inégalitaire, d’autres écoles européennes le sont plus encore.

Dans l’Union européenne, les deux pays où la relation entre performance et milieu socio-économique des élèves est la plus forte sont, à égalité, la Hongrie et le Luxembourg : les résultats en sciences (la matière dominante pour les tests menés pour Pisa 2015) varient de 21 % entre les enfants issus de milieux favorisés et ceux de milieux défavorisés. En France, cette variation s’élève à 20 %. La note rédigée par l’OCDE précise que « plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir à l’évaluation PISA 2015 ». A peu de choses près, la France est le troisième pays de l’Union européenne où la reproduction sociale est la plus élevée à l’école.

« L’école hérite d’inégalités familiales »

Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) français étudie, entre autres, les inégalités scolaires. En septembre 2016, il publie un rapport qui souligne que « si l’école française ségrégue moins les élèves de façon flagrante qu’il y a 50 ans, elle tend cependant à maintenir de nombreuses inégalités sociales et migratoires en son sein, plus cachées, moins observables, mais pourtant bien présentes ». D’après ce rapport, c’est à l’école primaire qu’apparaît l’impact de l’origine sociale sur les performances des élèves, qui s’accentue ensuite au collège : « L’école hérite d’inégalités familiales mais produit, en son sein, à chaque étape de la scolarité, des inégalités sociales de natures différentes qui se cumulent et se renforcent. »

Benoît Hamon évoque à juste titre que l’école française reproduit les inégalités sociales. Mais il se trompe en oubliant que, au sein de l’Europe, ce sont dans les écoles luxembourgeoises et hongroises que la reproduction sociale est la plus forte.

Jeanne Laudren