Benoît Hamon

« Quand on ferme un bureau de poste dans une commune, à l’élection qui suit, le FN fait 10 % de plus »

Selon Benoît Hamon, la suppression des bureaux de poste dans les communes en zone rurale ferait gagner 10 % de voix supplémentaires au FN entre deux élections. Cette affirmation est erronée du fait de la mauvaise interprétation d’une étude de l’Ifop.

LE CONTEXTE

Le candidat à l’élection présidentielle Benoît Hamon était en déplacement à Château-Chinon (58), vendredi 7 avril, pour parler de la ruralité. Lors de son discours devant les élus locaux, il a affiché sa volonté de « revitaliser les territoires ». La raréfaction des services publics dans les petites communes mène selon lui à un « désenchantement » de la population. Ce sentiment favoriserait le vote Front national. Pour étayer cet argument, le candidat PS a cité « un sondage récent »,  dont la conclusion serait la suivante : « Quand on ferme un bureau de poste dans une commune, à l’élection qui suit, le FN fait 10 % de plus ». Dans une interview accordée au quotidien Le Monde en février 2017, celui-ci avait déjà indiqué : « Une étude a montré que lorsqu’on ferme le dernier bureau de poste dans une ville, le FN gagne 10 %. »

L’EXPLICATION

Benoît Hamon se base sur une étude de l’Ifop, un institut de sondages d’opinion et d’études marketing, mais il en fait une mauvaise interprétation. De plus, dans cette étude, il n’y a pas de trace des « 10 % » dont parle le candidat. Son affirmation, très éloignée de la conclusion des auteurs du document, est fausse. L’étude en question, publiée en mars 2016, s’intéresse à « l’influence […] de l’absence de services et commerces de proximité sur le vote FN en milieu rural. »

Une partie du document porte effectivement sur les bureaux de poste. L’institut a analysé les résultats du vote FN aux élections européennes de 2014 dans les communes de moins de 1000 habitants. Un tableau permet de comparer le vote FN dans deux types de communes : celles qui ont un (ou des) bureau(x) de poste et celles qui n’en ont pas. Là où ce service était présent, le FN a obtenu en moyenne 26,7 % des voix, tandis que quand il était absent, ce chiffre s’élevait à 30,1 %. La même comparaison a aussi été faite pour les banques, les épiceries, les pharmacies… Au final, l’écart de vote le plus significatif observé concerne en effet les bureaux de poste.

Selon l’Ifop, « le vote FN se montre […] le plus sensible à la présence ou l’absence d’un bureau de poste puisque l’écart moyen atteint 3,4 points ». L’institut conclut enfin que« les villages qui ne sont pas (ou plus) pourvus d’un bureau de poste votent sensiblement plus pour le FN que les autres. »



En revanche, l’étude ne comporte pas de comparaisons d’une élection sur l’autre, comme le dit Benoît Hamon, puisqu’elle prend uniquement en compte les chiffres des européennes. Elle ne conclut pas non plus que le FN a gagné des voix en raison de la fermeture d’un bureau de poste. Et encore moins du « dernier bureau de poste », comme l’affirme Benoît Hamon dans l’interview du Monde. Contacté par FactoScope, l’Ifop ajoute que « rien ne dit que les communes sans poste ont perdu leur bureau » car il se peut qu’elles n’en aient jamais eu.

L’étude révèle un écart de 3,4 points dans le vote FN en fonction de la présence ou non de bureau(x) de poste. Cela correspond à une différence de 12,7 % entre les deux types de communes. Il est probable que le chiffre de 10 % cité par Benoît Hamon provienne de ce calcul. Ainsi, la bonne lecture de ce chiffre serait la suivante : « Les communes de moins de 1000 habitants sans bureau de poste présentaient un vote en faveur du FN de 12,7 % supérieur à celles qui avaient un bureau de poste lors des élections européennes ». Et pas : « Quand on ferme un bureau de poste dans une commune, à l’élection qui suit, le FN fait 12,7 % de plus ». L’Ifop a cependant indiqué à FactoScope que le calcul de pourcentages était moins pertinent que l’utilisation de points de pourcentage. L’équipe de campagne de Benoît Hamon n’a pour le moment pas répondu aux sollicitations des FactoScope.

Margaux Lacroux