Benoît Hamon

« Un jeune d’origine maghrébine ou de couleur noire est sept fois plus contrôlé »

 

Le candidat à la présidentielle souhaite apaiser les relations entre les forces de l’ordre et la population en instaurant un récépissé lors des contrôles d’identités. Sur France 2, il a justifié sa volonté en affirmant qu’un « jeune d’origine maghrébine ou de couleur noire est sept fois plus contrôlé qu’une personne de couleur blanche ». Un chiffre qui s’appuie sur un récent rapport du Défenseur des droits, mais Benoît Hamon a confondu deux données.

LE CONTEXTE

Calmer les relations entre les policiers et la population, mais aussi lutter contre le contrôle au faciès : le récépissé est une des mesures défendues par Benoît Hamon. Dans l’Émission politique de France 2, jeudi 9 mars, il a réaffirmé sa proposition en expliquant qu’un « jeune d’origine maghrébine ou de couleur noire est sept fois plus contrôlé qu’une personne de couleur blanche ». S’il a insisté sur le fait qu’il ne « croi[t] pas que la police soit raciste », Benoît Hamon a dénoncé « des comportements qui conduisent les dépositaires de l’autorité publique à exprimer de la discrimination à l’égard de jeunes en raison de leur couleur de peau ». Avant de conclure : « Il faut en finir avec cela. »

L’EXPLICATION

Le candidat à la présidentielle et vainqueur de la primaire socialiste s’appuie sur un récent document du Défenseur des droits, une institution indépendante. Ce rapport consacré au contrôle au faciès, publié en janvier dernier, se base sur une enquête menée auprès de 5 117 personnes et réalisée par l’institut Ipsos du 19 février 2016 au 31 mai 2016. Il ne peut pas réellement se fonder sur des statistiques officielles, car il n’en existe aucune sur les contrôles policiers en France, pas plus que sur les origines ethniques. Selon le sondage, toutefois, « les hommes perçus comme noirs ou arabes apparaissent cinq fois plus concernés par des contrôles fréquents », indique le document. Un contrôle fréquent correspond à plus de cinq contrôles dans les cinq dernières années. Le chiffre de « sept fois plus » de contrôles avancé par Benoît Hamon correspond en réalité à la régularité à laquelle les jeunes de 18 à 25 ans toutes catégories confondues sont contrôlés .

 

Le rapport affirme que « si l’on combine ces deux critères, 80 % des personnes correspondant au profil de “jeune homme perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16 % pour le reste des enquêté.e.s) ». Par rapport à l’ensemble de la population, ils ont donc une probabilité « 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés », explique le rapport. Toute population confondue, les personnes contrôlées constatent « généralement peu de comportements en contradiction avec la déontologie des forces de sécurité ». Mais elles déplorent des pratiques comme le manque d’explication sur les raisons du contrôle (59 %),  le manque de politesse (29 %), le tutoiement (16 %), la brutalité (8 %) ou les insultes (7 %). Ces pratiques sont également plus fréquentes chez les jeunes. Si Benoît Hamon s’est un peu emmêlé les pinceaux à propos du chiffre précis des contrôles sur des jeunes d’origine maghrébine ou de couleur noire, il est vrai que tous âges confondus, les personnes perçues comme d’origine maghrébine ou de couleur noire sont cinq fois plus contrôlés que les jeunes de couleur blanche, et que les jeunes de 18 à 25 ans sont sept fois plus contrôlés. Résultat, pour les jeunes d’origines maghrébines ou de couleur noire, une probabilité « 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés ». L’actuel Défenseur des droit, Jacques Toubon, est d’ailleurs favorable à la mise en place d’un récépissé lors des contrôles, s’appuyant sur un rapport de son prédécesseur publié en octobre 2012. Ce dernier préconisait alors la remise d’un document à la personne contrôlée afin d’avoir une « traçabilité » des contrôles et ainsi de « faire baisser le nombre de contrôles, le nombre de personnes contrôlées et, parmi celles-ci le nombre des personnes estimant (à tort ou à raison) avoir fait l’objet d’un contrôle discriminatoire ».

Camille Charpentier