EMMANUEL MACRON

« Dans certains quartiers, deux élèves sur trois ne savent ni lire, ni écrire, ni compter »

Dans son diagnostic sur l’Education nationale, l’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, insiste sur les inégalités qui se creuseraient à l’école. Selon lui, non seulement un élève sur cinq ne sait ni lire, ni écrire, ni compter en CM2, mais ils seraient entre 50 et 66% dans ce cas dans les quartiers défavorisés. Une information qu’aucune étude n’a vraiment démontrée.

 

LE CONTEXTE

Au lendemain de l’annonce de sa candidature, jeudi 17 novembre 2016, Emmanuel Macron avait rendez-vous à Marseille, pour son premier meeting de campagne. Pendant son discours, il a abordé la question de l’éducation. Pour lui, les enseignants d’établissements difficiles devraient avoir davantage « les moyens de faire ». Il a également déclaré que le système scolaire n’arrivait pas à accompagner les enfants de « quartiers défavorisés, ou de parents issus de l’immigration » dans leur apprentissage des bases de la lecture ou du calcul. Il s’est pour cela appuyé sur des chiffres inquiétants : « Si un élève sur cinq ne sait pas lire, écrire, compter en CM2, c’est qu’il y en a un sur deux et parfois deux sur trois dans certains quartiers ou certaines écoles qui sont dans cette situation. »

L’explication

Aujourd’hui, en France, l’illettrisme concerne 7% de la population de 18 à 65 ans, soit 2,5 millions de personnes d’après l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI). Du côté des enfants, le ministère de l’Éducation nationale met en place chaque année, des études sur « L’état de l’école ». En 2014, une partie était consacrée aux élèves de CM2 et à leur maîtrise des compétences en langue française et en mathématiques.

L’étude est fondée sur les résultats d’épreuves écrites d’une durée de deux heures, effectuées par 23 000 enfants dans 790 écoles. Elle montre que « 79,8 % des élèves de CM2 maîtrisent la compétence langue française et 70,9 % la compétence mathématiques»En conclure cependant, comme l’a calculé Emmanuel Macron, que 20% des élèves ne savent donc ni lire, ni écrire et qu’ils sont même 30% à ne pas savoir compter, est un raccourci assez hâtif.

En effet, les critères utilisés par le ministère de l’Éducation nationale sont très variés et ne se basent pas sur les seules capacités à lire ou à compter. Pour maîtriser la compétence français, les élèves doivent être capable de « dégager le thème d’un texte, repérer dans un texte des informations explicites, inférer des informations nouvelles (implicites) », mais aussi de « savoir utiliser un dictionnaire, distinguer les mots selon leur nature, identifier les fonctions des mots dans la phrase, utiliser les temps à bon escient, maîtriser l’orthographe (lexicale et grammaticale) », détaille l’étude du ministère.

Et du côté des mathématiques, les enfants de CM2 doivent certes connaître les bases du calcul, mais également celles de la géométrie, des grandeurs et mesure (calcul d’une aire, conversion), pouvoir interpréter des tableaux et des graphiques et avoir des connaissances sur le fonctionnement du corps humain, la santé, le ciel et la terre, entre autres.

Les critères utilisés sont si divers que ne pas valider ces compétences traduit évidemment des difficultés, mais ne sous-entend pas directement que l’élève de CM2 ne sait pas lire ou compter. Quant aux chiffres utilisés par Emmanuel Macron concernant les élèves de quartiers défavorisés – qui seraient encore plus nombreux dans cette situation – ils sont de pures extrapolations. Car la seule étude portant sur le niveau de français et de maths des élèves de CM2 est celle du ministère de l’Éducation nationale. Et elle ne distingue jamais les élèves en fonction de leur quartier d’origine ni de leur appartenance sociale.

Mathilde Delacroix