EMMANUEL MACRON

« La taxe d’habitation est plus faible dans les métropoles que dans les communes rurales »

Le samedi 25 février 2017, Emmanuel Macron était en meeting dans la commune de Saint-Priest-Taurion, en Haute-Vienne. Le candidat du mouvement « En Marche ! » a notamment dénoncé la taxe d’habitation, qui est selon lui un impôt « injuste ». Pour lui, plus la ville est grande, plus celui-ci est bas. Selon le site impôts-locaux.org, il se trompe, car on ne peut pas faire une telle généralité.

 

LE CONTEXTE

En pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est déplacé dans la commune de Saint-Priest-Taurion, en Haute-Vienne, pour défendre le monde rural. Parmi ses engagements, il a notamment proposé de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables. Cette mesure profiterait aux ménages dont le revenu imposable est inférieur à 20 000 euros par an et par part fiscale, ce qui correspondrait, par exemple, à un couple avec deux enfants, touchant moins de 5 000 euros par mois.

Une proposition qu’il met en avant en dénonçant « l’injustice » de cet impôt local. « La taxe d’habitation n’est pas juste territorialement. Quand vous habitez Paris ou une métropole, vous en payez peu ou très peu. Quand vous habitez une commune rurale, ce que certains appellent la France périphérique, les villes moyennes qui ont perdu beaucoup d’entreprises ou d’autres formes d’activité, elles ont besoin de la taxe d’habitation pour vivre. Et donc nos concitoyens paient une taxe d’habitation bien supérieure », analyse Emmanuel Macron avant de donner un exemple : « Elle doit être 4 ou 5 fois supérieure à Brive où j’étais il y a quelques heures, ou à Limoges, qu’à Paris. J’en suis à peu près sûr. » D’après les données publiées par le site impôts-locaux.org, Emmanuel Macron a généralisé la situation de certains cas particulier à l’échelle de la France.

 

L’EXPLICATION

La taxe d’habitation est un impôt local qui concerne les propriétaires, les locataires et même les occupants d’un logement à titre gratuit. Cette taxe est calculée annuellement en fonction de la situation de chacune de ces personnes. Elle prend en compte le type de bien que vous occupez au 1er janvier de chaque année, sa surface, son nombre de pièces mais aussi et surtout la ville ou la commune dans laquelle vous vivez. Des abattements sont possibles dans certains cas (selon le nombre de personnes à charge par exemple).

Selon les données du site Impôts-locaux.org mises à jour en 2016, qui regroupent les taux d’imposition en France, les grandes métropoles ont, dans la majorité des cas, des taxes d’habitation plus élevées que celles des petites et moyennes villes. Prenons, tout d’abord, en exemple les taxes d’habitation des cinq plus grandes villes françaises :

  • Paris (13,38 %)
  • Lyon (21,3 %)
  • Marseille (27,23 %)
  • Toulouse (15,87 %)
  • Bordeaux (24,13 %)

Alors, certes, Emmanuel Macron a raison quand il argue que le pourcentage de cet impôt local varie fortement d’une ville à l’autre. Mais surtout, il se trompe quand il affirme que les montants des taxes d’habitation sont plus élevés dans les communes rurales que dans les métropoles. En effet, dans le département de l’Eure (27), la commune d’Ambenay (600 habitants) a une taxe d’habitation de 6,52 %, celle de Dangu (600 habitants) se situe à hauteur de 19,36 % et enfin celle d’Andé (1 200 habitants) est de 12 %. Autre exemple : dans le département de l’Essonne. La ville d’Evry (54 000 habitants) a fixé sa taxe d’habitation à 18,7 %, celle d’Etréchy (6000 habitants) est de 9,83 % et à Dannemois (840), elle a été fixée à 13,16 %.

Ainsi, la taxe d’habitation d’Evry est plus élevée que celle d’Etréchy, alors que la première ville regroupe plus d’habitants que la seconde. En revanche, c’est vrai, une commune comme Dangu, qui recense 600 habitants, a une taxe plus élevée que Paris, Toulouse ou Evry. Mais il s’agit plutôt d’une exception.

Emmanuel Macron évoque également un cas particulier, celui de Brive-la-Gaillarde en Corrèze. Pour lui, la taxe d’habitation de cette commune de 48 000 habitants serait quatre ou cinq fois supérieure à celle de Paris. Cette affirmation est fausse puisque la taxe de Brive-la-Gaillarde est de 17,03 %, un plus élevée que celle de Paris (13,38 %), mais loin des quatre ou cinq fois supérieures.

Les entreprises, l’oxygène fiscal des villes

Dans la petite commune de Monthelon en Saône-et-Loire (71), Gérard Coulpied, maire du village de 400 habitants, est dubitatif face à cette déclaration d’Emmanuel Macron. Selon lui, les petites communes n’ont pas des taxes d’habitation plus élevées que les grandes villes. « Cet impôt local est une ressource essentielle pour vivre, c’est certain. Toutefois, à notre échelle, on ne peut pas la fixer à un taux exorbitant », explique-t-il.

Pour lui, ce qui peut surtout aider financièrement une commune est la présence d’entreprises sur son territoire. En effet, les entreprises implantées sur une ville (ou commune) payent à celle-ci une contribution économique territoriale (CET), impôt qui remplace la taxe professionnelle depuis 2010. Cette CET permet de remplir les caisses de la ville ou commune et ainsi d’alléger le montant de la taxe d’habitation des contribuables. « Sur la commune, nous n’avons aucune entreprise, mais ce n’est pas pour cela que nos taxes d’habitations s’envolent. Il faut aussi être raisonnable par rapport à nos habitants », nuance Gérard Coulpied.

Par ailleurs, le cas de la ville de Roissy-en-France, celle qui accueille l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, communément appelé « aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle », est intéressant puisque sa taxe d’habitation n’est que de 4,1 % alors qu’elle ne recense que 2 800 habitants. Ce faible taux s’explique notamment par la présence d’une immense zone aéroportuaire, qui, du fait de son importance, est une véritable source de revenu.

Emmanuel Macron, dont l’équipe de campagne n’a pas répondu à nos sollicitations, a donc généralisé un peu vite la question du montant de la taxe d’habitation. Si pour certaines communes rurales ou petites villes le taux de cet impôt local est supérieur à certaines métropoles, il est impossible de faire de ces cas particuliers, une règle.

Apolline Merle

Les sources à consulter