FRANÇOIS FILLON

« L’électricité nucléaire est moins chère
et elle continuera de l’être »

Le vainqueur de la primaire de la droite et du centre, François Fillon, considère l’énergie nucléaire comme la seule susceptible de procurer de l’électricité à un prix raisonnable aux Français, aujourd’hui comme dans le futur. Ce faisant, il ne semble pas tenir compte des nombreuses dépenses à venir dans cette filière, que ce soit pour moderniser les installations ou pour démanteler celles qui ont fait leur temps. Et prend donc le risque de se tromper.

 

LE CONTEXTE

François Fillon, candidat Les Républicains à la présidentielle, s’est exprimé vendredi 18 novembre lors d’une interview face à Jean-Jacques Bourdin, sur RMC, au sujet de sa position sur le nucléaire. Dans son programme, il compte maintenir la filière à 75 % de la production globale d’électricité et prolonger l’exploitation des centrales de 40 à 60 ans. Son argument principal : la production d’électricité nucléaire émet peu de CO2. Sur le plan économique, le candidat à la présidentielle a déclaré lors d’un échange animé avec le journaliste : « L’électricité nucléaire est moins chère (…) et elle continuera de l’être. »

L’explication

« Un avantage compétitif pour l’énergie française. » Voilà comment François Fillon a qualifié le nucléaire lors du débat d’entre deux tours  de la primaire de la droite et du centre, le jeudi 24 novembre. Il enfonçait ainsi le clou à propos de son pari d’avenir sur les ressources énergétiques de la France. Si l’on s’en tient aux chiffres actuels, ce pari apparaît raisonnable et François Fillon semble dans le vrai. En effet, selon le baromètre des énergies renouvelables électriques, l’énergie nucléaire revient actuellement à 60 euros le mégawattheure (MWh). Seule une autre source d’énergie fait mieux : l’hydraulique, avec 35 euros le mégawattheure. Elle est d’ailleurs déjà bien exploitée, puisqu’elle est la deuxième source d’électricité en France. Mais elle ne peut rivaliser avec le nucléaire car elle représente aujourd’hui 10 % de la production globale, selon les chiffres du ministère de l’Environnement, sans grande perspectives de développement.


Source : ministère de l’Environnement, bilan énergétique de la France 2015.

Est-ce à dire que, pour autant, François Fillon a entièrement raison ? Cela reste à démontrer. Car l’avenir du prix du nucléaire reste pour le moins incertain. Le dernier rapport de la cour des comptes à ce sujet met en avant la forte augmentation des dépenses dans ce secteur entre 2010 et 2013 : le coût de production du parc nucléaire est passé de 49,5 €/MWh en 2010 à 59,8 €/MWh en 2013, soit une hausse de plus de 20 % en trois ans. Parmi les dépenses, l’augmentation la plus signifiante concerne les investissements sur les centrales existantes. En trois ans, la facture est passée de 1,7 à 3,8 milliards d’euros. Et les prévisions de la cour des comptes ne sont guère optimistes : « Les dernières projections d’EDF conduisent à des investissements moyens de 4,3 milliard d’euros entre 2011 et 2025 » sur ces centrales.

C’est l’autre élément à prendre en compte en termes de dépenses futures : les  coûts  du  démantèlement, de la gestion des déchets et des combustibles usés. La centrale de Brennilis (Finistère), par exemple, qui est la plus ancienne en France n’a toujours pas, depuis 1997, achevé son démantèlement : en 2010, la cour des comptes évaluait le démantèlement des installations de première génération de Brennilis à 377 millions d’euros ; et la facture ne cesse de grimper.  A long terme, l’accumulation de dépenses de ce type et des investissements nécessaires pour démanteler, rénover et renouveler le parc nucléaire français impactera nécessairement le prix du mégawattheure.

C’est en tout cas ce que démontre l’expérience des réacteurs de troisième génération EPR (réacteur pressurisé européen, en anglais), qui doivent remplacer les plus anciens. En France, la construction d’une centrale de ce type à Flamanville dépasse les 10 milliards d’euros, contre 3,3 milliards annoncés initialement ; et chacun des nouveau modèle est annoncé pour 5 milliards d’euros chacun. A l’étranger, on observe que ces nouveaux réacteurs ont un impact sur le coût de production. En Grande-Bretagne, la construction d’un EPR à Hinkley Point a déjà fait passer le coût de production de l’électricité au-dessus des 100 euros par mégawattheure.

 

capture-decran-2016-12-01-a-18-19-06

 Source : derniers bilans de la Cour des comptes, de la CRE et EDF.

Dans ces conditions, pourquoi François Fillon ne cite-t-il pas d’autres sources d’énergie pour l’avenir ? Probablement parce que les autres énergies ont pour l’instant des coûts de production plus élevés. C’est notamment le cas des éoliennes terrestres, qui ont un coût de production de 86,16€/MWh en 2015. Toutefois, depuis 2008 le prix de l’énergie des éoliennes est, lui, à la baisse. Une tendance qui devrait se poursuivre, selon un rapport de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) : « Cette filière est considérée comme mature, avec une technologie éprouvée qui fait l’objet d’améliorations continues. »

François Fillon est donc dans le vrai quand il dit que l’énergie nucléaire est actuellement la moins chère. Mais, au regard de l’évolution du coût de production de cette énergie, il se trompe lorsqu’il prédit qu’elle le restera. Surtout, il balaye un peu vite la possibilité d’investir dans des sources d’énergie alternatives, comme l’éolien, mais surtout l’hydrolien, dont les projets restent pour l’heure en phase d’étude… Faute d’investissements.

Ralitsa Dimitrova

Les sources à consulter