JACQUES CHEMINADE

« Les partis politiques reçoivent 70 millions d’euros de la part de l’Etat »
Jacques Cheminade, candidat à l’élection présidentielle 2017 du parti Solidarité et Progrès (SP), a regretté le 24 février sur LCI que certains candidats soient financièrement favorisés. Selon lui, l’Etat verserait 70 millions d’euros aux partis politiques en place. Un chiffre exact, compte tenu des aides accordées aux partis en fonction du nombre de leurs parlementaires.

 

LE CONTEXTE

Après la gronde de Nicolas Dupont-Aignan sur la place des “petits candidats” dans le débat médiatique, c’est au tour de Jacques Cheminade de souligner les différences de traitement entre les principaux partis et les formations politiques plus modestes. Au journal télévisé de LCI, le 24 février, le candidat de Solidarité et Progrès était questionné sur la campagne présidentielle, qu’il considère comme « verrouillée » pour les petits acteurs du paysage politique. Il a notamment pris en exemple l’enrichissement des groupes politiques majeurs qui recevraient « 70 millions d’euros de la part de l’Etat » et a également déploré que l’avance forfaitaire allouée aux candidats ait considérablement baissé entre les années 1960 et aujourd’hui.

 

 

L’EXPLICATION

Le versement de 70 millions d’euros dont parle Jacques Cheminade existe. Toutefois, il n’intervient pas dans le cadre de l’élection présidentielle, mais dans celui des élections législatives. En effet, selon la loi 88-227 du 11 mars 1988, un financement public est attribué à chaque parti en fonction du nombre de suffrages que ce dernier a obtenu lors du renouvellement de l’Assemblée et du Sénat. Logiquement, on constate le gouffre qui sépare les subventions allouées au PS et à l’UMP du reste des formations politiques.

Ces subventions se divisent en deux enveloppes :

  • La première est fonction du nombre de suffrages récoltés. Un parti gagne 1,60 euros par voix et par an sur une durée de cinq ans.
  • La seconde est fonction du nombre d’élus. Chacun d’entre eux rapporte environ 42 000 euros par an sur cinq ans à son parti politique.

Par exemple, le PS, qui comptait 7 952 895 suffrages exprimés aux élections législatives et sénatoriales de 2012, a touché 11 121 431 euros au titre de la première enveloppe et 17 390 000 euros sur la seconde, fort de ses 292 députés et 125 sénateurs. En revanche, le parti Solidarité et Progrès, qui n’a conclu aucune alliance et qui ne compte aucun député, n’a donc pas pu bénéficier de ces subventions.

La subvention allouée aux partis peut toutefois être diminuée si ces derniers ne respectent pas la parité sexuelle. Avec la loi 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les formations politiques devront respecter des règles strictes par rapport à la parité à l’Assemblée, sous peine de voir leur financement public se réduire. L’article 9-1 en question entrera en vigueur dès les prochaines élections législatives, les 11 et 18 juin 2017.

Si l’on appliquait ce nouveau règlement aux listes de candidats établies pour les législatives de 2012, seuls deux partis ou groupements politiques auraient respecté la parité demandée : Europe Ecologie les Verts et le Parti communiste. Deux autres acteurs se distinguaient lors du dernier renouvellement de l’Assemblée en présentant davantage de candidates que de candidats, sans pour autant respecter la parité : Debout la République, le parti de Nicolas Dupont-Aignan et le Trèfle – Les nouveaux écologistes, allié à Jean-Louis Borloo. Le PS et l’UMP étaient bien loin de la parité, alors que le Front national en était tout proche, en présentant 293 candidats et 281 candidates.

Une avance forfaitaire qui a diminué

Sur LCI, Jacques Cheminade a également déploré la baisse de l’avance forfaitaire allouée après le dépôt de parrainages pour une candidature à la présidentielle. Selon lui, cette dernière correspondait à un million de franc en 1965 et correspond aujourd’hui à 150 000 euros (153 000 euros selon le Conseil constitutionnel).

Là encore, l’estimation de Jacques Cheminade est exacte. L’avance forfaitaire prend en compte l’érosion monétaire due à l’inflation. Selon lui, le pouvoir d’achat d’un million de francs en 1965 correspondrait à un pouvoir d’achat d’environ 1 400 000 euros. Selon l’Insee, le candidat dit vrai, à quelques milliers d’euros : cela correspondrait à 1 318 000 euros très précisément. Or, si l’on compare avec le convertisseur de l’Insee, qui prend en compte l’inflation, un millions de francs convertis en euros en 2016 équivaudrait à un pouvoir d’achat de 152 449 euros.

Or, pour les partis politiques majeurs, la réduction du pouvoir d’achat de cette avance forfaitaire (que l’on obtient à condition de disposer du nombre minimal de 500 parrainages) est amortie par les subventions allouées aux groupements politiques. En revanche, c’est plus compliqué pour les “petits candidats” qui ne peuvent pas compter sur le financement public.

Antonin Deslandes