JEAN-LUC MELENCHON

« Celui qui veut déverser des sacs-poubelle en haute mer, il peut le faire parce que ça n’appartient à personne »

Pour Jean-Luc Mélenchon, les eaux internationales n’appartiennent à personne et ne sont encadrées par aucune législation, si bien que tout le monde peut y faire ce qu’il veut. Une vision floue de la haute mer qui est en réalité protégée par une convention de l’ONU, depuis 1982, et par des traités internationaux.

 

LE CONTEXTE

En meeting à Lyon et en même temps, grâce à son hologramme, à Paris, Jean-Luc Mélenchon a abordé, dimanche 5 février, la question de la législation des eaux internationales. Il dénonce que rien ne soit fait pour protéger les zones d’eaux profondes. « En haute mer, aujourd’hui, le premier qui passe, il prend, c’est à lui. Celui qui veut déverser avec son gros paquebot, des sacs poubelles, il peut le faire parce que ça n’appartient à personne. »

 

L’EXPLICATION

Depuis la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay en 1982, les espaces maritimes sont divisés en plusieurs zones :

  • la mer territoriale, qui s’étend jusqu’à 12 miles (22 km) après les côtes d’un Etat
  • la zone économique exclusive (ZEE), jusqu’à 200 milles (370 km) après les côtes
  • les eaux internationales, ou haute mer, situées au-delà des ZEE

La mer territoriale et la ZEE sont encadrées par les lois de chaque Etat qui exercent, dans ces zones, des droits souverains en matière d’exploitation des ressources. Les eaux internationales, ou haute mer, n’appartiennent effectivement à personne, comme le dit Jean-Luc Mélenchon. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que « le premier qui passe, prend et c’est à lui ». Si tous les Etats sont libres d’exploiter les ressources de la haute mer, aucun ne peut s’en attribuer la propriété. Selon l’article 89 de la convention de l’ONU sur le droit de la mer, « aucun Etat ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté ».

Adaptée de l’image publiée par Historicair sur Wikimedia Commons.

Et si les eaux internationales n’appartiennent à personne, cela ne signifie pas pour autant que tous les Etats peuvent y faire n’importe quoi. « La haute mer est un espace de liberté mais pas de liberté totale », explique Anne Choquet, enseignante-chercheuse à la Brest Business School et Docteur en droit public. « Un bateau peut y naviguer, pêcher, mais ce qu’il a le droit de faire dépendra de la législation de son pays ». Les eaux internationales ne sont donc pas des zones de vide juridique, comme semble le penser Jean-Luc Mélenchon. L’encadrement législatif des bateaux qui naviguent en haute mer dépend de la loi de l’Etat auquel appartient le bateau ainsi que des traités et conventions que le pays a ratifiés. La convention des Nations Unies de 1982 a également créé un Tribunal international du droit de la mer pour régler les différends entre les Etats.

Cette convention sur le droit de la mer de 1982 a été ratifiée par 168 pays sur 193. « C’est un des traités internationaux qui regroupent le plus de pays signataires », complète l’enseignante-chercheuse. Mais pour que tous les pays soient logés à la même enseigne, il faudrait que tous aient signé la convention. « Depuis quelques années, on voit quand même que les Etats tendent à harmoniser leurs législations dans le domaine maritime. Par exemple, tous les pays de l’Union européenne ont une réglementation commune. »

Enfin, le rejet de déchets en mer est également encadré par la convention de 1982 et complété par d’autres traités, comme celui de Londres. Seuls certains déchets sont autorisés à êtres immergés (déchets de poisson, matériaux géologiques non pollués, etc) et dans des zones bien déterminées. En revanche, rejeter des déchets plastiques, radioactifs ou industriels ou encore du pétrole est interdit, même en eaux internationales. Ces mesures ne s’appliquent cependant qu’aux seuls pays qui ont ratifié le traité, soit 87 pays actuellement.

Par ailleurs, depuis 2016, les Nations Unies réfléchissent à un nouvel accord pour protéger la biodiversité de la haute mer. Un accord qui devrait être conclu d’ici 2018 et obligerait les Etats signataires à « s’autolimiter en matière de pêche, de dépôt de brevet sur les espèces marines ou sur la pollution, entre autres, afin de protéger la biodiversité des eaux internationales », détaille Hélène De Pooter, docteur en droit public de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Si Jean-Luc Mélenchon est un des seuls candidats à la présidentielle qui évoque le droit de la mer dans son programme, il parle de la législation des eaux internationales avec beaucoup d’imprécisions.

 

Mathilde Delacroix