MARINE LE PEN

« 50% du bœuf consommé dans nos cantines est issu de l’importation »

 

Marine Le Pen était l’invitée de LCP, la chaîne parlementaire, dans l’émission « Question de méthode » le 2 mars. Elle y a notamment affirmé que 50 % du bœuf consommé dans les cantines françaises est importé. D’après la Fédération nationale bovine, ce chiffre est en deçà de la réalité.

LE CONTEXTE

Invitée de l’émission « Question de méthode » sur LCP, la chaîne parlementaire, le 2 mars, Marine Le Pen était interrogée sur des questions régionales. La journaliste interpelle la candidate sur le suicide d’une agricultrice dans les Côtes-d’Armor et lui demande d’annoncer ses propositions pour aider le monde agricole à sortir de la crise qu’il subit. La présidente du FN se dit « écœurée » par la situation et assure souhaiter « reprendre la main sur les marchés financiers, sur la financiarisation et surtout sur une Union européenne qui a décidé de faire disparaître l’agriculture française et plus particulièrement le modèle agricole français qui est fondé sur celui des exploitations familiales. »

Marine Le Pen propose alors d’axer sa politique sur un patriotisme économique : « Nos collectivités territoriales doivent à tout prix commander des produits français. Il est inouï de voir qu’il y a encore 50 % de bœuf qui est consommé dans nos cantines qui est par exemple du bœuf d’importation ».

 

L’EXPLICATION

Si Marine Le Pen affirme que 50 % du bœuf consommé dans les cantines françaises est importé, la présidente du FN ne précise pas si elle englobe tout le domaine de la restauration collective ou cible en particulier la restauration scolaire. Aucune étude ne fait état uniquement du pourcentage de viande bovine française consommée dans les cantines scolaires. Néanmoins, le dernier rapport de la Fédération nationale bovine (FNB), publié en 2015, mentionne des données relatives à la restauration hors-domicile (RHD) et notamment à la restauration collective (cantines scolaires, restauration d’entreprises et hospitalière etc).

Ainsi la FNB annonce que 67 % de la viande bovine distribuée en restauration collective est issue de l’importation. Ce pourcentage regroupe plusieurs catégories : celle de la « vache viande », de la « génisse viande », du « bœuf », de la « femelle lait », du « jeune bovin viande », et du « jeune bovin lait ». Une proportion sensiblement plus forte que celle évoquée par Marine Le Pen.

Alors pourquoi le bœuf français n’a-t-il pas la cote dans nos cantines ? « La première raison est que le code des marchés publics interdit la mention d’origine dans les appels d’offres », explique Cécile Lardillon, chargée de la communication chez Interbev (Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes). Ainsi, si un acheteur ne peut pas demander dans les appels d’offres une origine particulière, par exemple française, il connaîtra en revanche toujours la provenance de la viande. « Mais un acheteur peut demander que sa viande soit issue, par exemple, de la race limousine. Ainsi, vous avez de grandes chances que votre viande vienne de France », nuance Eric Chapelle, directeur de la Fédération nationale Bovine.

Autre raison : le coût. Les prix de la viande bovine sont plus élevés en France que dans d’autres pays européens. « Si les prix sont attractifs chez nos voisins, c’est parce que nous leur achetons des morceaux qu’ils ne mangent pas comme la bavette en Irlande ou de l’entrecôte bas de gamme en Allemagne. Ces morceaux sont par ailleurs issus de vaches laitières, qui ne sont donc pas des races à viande en premier lieu. Tout ceci leur permet ainsi de casser les prix », nuance Michel Joly, exploitant agricole en Saône-et-Loire et engagé au sein de la FNB.

 

La viande allemande et néerlandaise en tête de nos importations

Le rapport de la FNB montre également que, de manière générale, la consommation de viande bovine en France baisse. Mais la production diminue elle aussi, à tel point que l’Hexagone n’est plus autosuffisant depuis 2005. Ceci explique ainsi que la France importe de la viande bovine européenne pour compenser sa production, principalement de la viande bovine des Pays-Bas et de l’Allemagne. Mais l’Irlande, l’Italie et le Royaume-Uni sont en train de s’installer de plus en plus fortement sur le territoire national.

En outre, le ministère de l’Agriculture et Interbev travaillent ensemble pour augmenter la part de bœuf français dans les cantines via notamment une nouvelle plateforme lancée en octobre 2016 et appelée la boite à outil Localim. Celle-ci a pour objectif de « favoriser l’approvisionnement local et de qualité », mentionne le site. Mais le chemin qui reste à faire est encore long. Marine Le Pen, qui affirmait que 50% du bœuf consommé dans les cantines du territoire provient de l’importation est donc en-dessous de la réalité.

Apolline Merle

Les sources à consulter

  • Ministère de l’Agriculture,  « Localim : la boîte à outils des acheteurs publics de restauration collective »
  • Interbev, « Où va le bœuf ? Les couples produits / marchés de la viande bovine en 2014 »