Marine Le Pen

« Avec un tweet, Trump a réussi à relocaliser plus d’emplois que Sarkozy et Hollande réunis »

Marine Le Pen a salué l’autorité dont le président des Etats-Unis fait preuve dans sa politique économique. Or en termes de relocalisation, Donald Trump n’a pour le moment pas fait mieux que les deux derniers présidents français. Et son influence sur les constructeurs automobiles est aussi à relativiser. L’affirmation de la candidate du FN est donc fausse.

 

 

LE CONTEXTE

Marine Le Pen était l’invitée de Radio Classique vendredi 20 janvier. Selon elle, les constructeurs automobiles américains seraient en train de plier sous la menace de Donald Trump. « Il a quand même réussi avec un tweet à relocaliser plus d’emplois que Sarkozy et Hollande réunis en dix ans », a-t-elle déclaré. La candidate du Front National fait référence au cas de Ford qui a annoncé la relocalisation d’emplois aux Etats-Unis début janvier. Au micro de Guillaume Durand, elle ajoute : « Il n’y a pas eu que Ford, il y a eu Fiat Chrystler, General Motors, beaucoup d’autres entreprises qui ont annoncé leur souhait de relocaliser », avant de conclure que Trump « a fait preuve d’autorité politique ».

 

L’EXPLICATION

Hollande et Sarkozy ne sont pas des champions en terme de relocalisation. Mais dire que Trump a fait mieux qu’eux en un tweet est largement exagéré. Entre 2009 et 2016, période à cheval sur les deux mandats, le nombre d’emplois relocalisés s’élevait à 2963 selon les chiffres de l’observatoire de l’investissement Trendeo. Le projet de Ford porte lui sur 700 emplois. Cela démontre que Trump n’a pas fait mieux en un tweet que les dirigeants français en huit ans. Il est cependant difficile de mesurer l’ampleur exacte des relocalisations de ces dix dernières années car les données ne sont pas publiques.

 

La tweet-influence de Donald Trump sur les relocalisations du secteur automobile est aussi à relativiser. Ford a certes annoncé le 3 janvier qu’il renonçait à construire une usine à San Luis Potosi, au Mexique. A la place, le groupe a décidé d’augmenter les capacités de son usine de Flat Rock, dans le Michigan. Ford maintient cependant le transfert de chaînes de production de son modèle Focus dans une usine déjà existante à Hermosillo (Mexique).

Cette décision a été annoncée peu après un Tweet de Donald Trump menaçant General Motors, autre constructeur automobile dans le collimateur de l’actuel président des Etats-Unis, de faire payer de « lourdes taxes frontalières » s’il délocalisait une partie de sa production au Mexique. Certains observateurs y ont vu un lien direct avec le rétropédalage de Ford. Pendant sa campagne, celui qui se rêve en « plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé » avait déjà menacé de taxer à hauteur de 35% les véhicules produits au Mexique.

De telles décisions ne sont pas prises du jour au lendemain. La stratégie de Ford, comme les autres constructeurs automobiles, s’inscrit sur le long terme.

Mark Fields, le PDG de Ford Motor Co., a justifié son rétropédalage en avançant que les Etats-Unis ont « un environnement plus positif pour l’industrie manufacturière et l’investissement ». Il a par ailleurs affiché sa confiance en la politique économique que Donald Trump souhaite mener.

 

Un contexte économique favorable construit par les prédécesseurs de Trump

Dans son article, Daniel Gross, chroniqueur économique pour Slate.com, explique que la situation actuelle est le fruit de politiques économiques des prédécesseurs de Trump. Sous le mandat de George W. Bush et de Barack Obama, Ford a en effet bénéficié d’aides de la part de l’Etat. Le groupe aurait promis d’investir dans la recherche et le développement afin de « produire des voitures électriques et électrifiées aux États-Unis – Et seulement aux États-Unis ». C’est bien ce type de voitures que Ford prévoit de construire au Michigan.

Les deux autres constructeurs automobiles cités par Marine Le Pen ne semblent pas aussi soumis à Trump que ce qu’elle prétend. Fiat Chrystler, que Trump n’a jamais directement menacé dans les tweets, a décidé de rapatrier la production d’un de ses pick ups dans le Michigan et prévoit de créer 2000 emplois aux Etats-Unis.

General Motors a fait savoir qu’il investirait un milliard de dollars de plus en Amérique. Une annonce opportuniste car la décision était « déjà dans les tuyaux avant l’élection » selon une source de l’AFP, reprise par le Parisien. Mary Barra, PDG de General Motors, a confirmé qu’elle n’avait pas l’intention de modifier sa stratégie. Elle va d’ailleurs transférer la production de son 4×4 Terrain, jusqu’ici fabriqué au Canada, au Mexique.

Margaux Lacroux