MARINE LE PEN

« En France, 1% des déboutés du droit d’asile sont renvoyés chez eux »


Interrogée sur la situation des personnes en situation irrégulière en France, Marine Le Pen a affirmé que « 1% des déboutés du droit d’asile sont renvoyés chez eux ». Si un référé de la Cour des comptes souligne que 96 % des déboutés restent en France, il est décrié pour sa méthodologie et les chiffres sur lesquels il se base. Par ailleurs, aucune source ne permet de justifier le chiffre avancé par la présidente du Front national.

 

LE CONTEXTE

Marine Le Pen était interrogée le 16 janvier sur RTL sur des questions de société, d’abord en lien avec les personnes sans domicile fixe : « On accueille des milliers de migrants en laissant des SDF dans la rue ». Elle a ensuite évoqué la condition des personnes en situation irrégulière en France, où « 1% à peu près des déboutés du droit d’asile sont renvoyés chez eux ».

 

 

 

L’EXPLICATION

Marine Le Pen n’est pas la seule à utiliser le chiffre de 1 % en ce qui concerne les déboutés du droit d’asile. Valérie Pécresse, en octobre dernier, avait également affirmé qu’1 % des déboutés du droit d’asile étaient renvoyés chez eux. Ce sont des demandeurs d’asile qui reçoivent l’ordre de quitter le territoire parce que leur demande d’asile n’est pas acceptée.

Pourtant, aucune étude ne permet d’affirmer ou infirmer un tel chiffre. L’unique référé susceptible d’apporter une réponse, intitulé « L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile », a été publié le 21 octobre 2015 par la Cour des comptesCe référé, comme il est précisé dans les notes de bas de page, se base sur les statistiques de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) pour l’année 2014. Il est écrit que pour cette année-là, 40 206 personnes ont été déboutées du droit d’asile en France. Si l’on se base sur le chiffre de 1 % avancé par Marine Le Pen, alors environ 400 personnes devraient avoir quitté le territoire. Or, ils seraient 1 432 à avoir été “éloignés” en 2014.

Un rapport décrié

Ce référé a néanmoins été vivement critiqué par la DGEF, qui l’a contesté en soulignant à Factoscope qu’elle « ne pouvait pas confirmer ou infirmer ces chiffres » et qu’elle « ne savait pas sur quoi se fondait la Cour des comptes »Le référé de la Cour des comptes a également été fortement décrié par Manuel Valls, alors Premier ministre, le 15 octobre 2015. Dans une lettre adressée au Premier président de la Cour des comptes, il assène qu’« en matière d’éloignement des personnes déboutées, il convient d’éviter les raisonnements simplificateurs  ». Selon lui, la Cour des comptes a négligé de prendre en compte les cas des demandeurs d’asile obtenant un droit au séjour pour un autre motif et celui des départs volontaires. Le ministère de l’Intérieur souligne d’ailleurs qu’il est « impossible de savoir » si une personne qui a quitté un centre d’hébergement a réellement quitté la ville ou le pays.

La DGEF, dans son rapport intitulé « L’éloignement des étrangers en situation irrégulière », prend en compte trois types d’éloignement : forcés, aidés et spontanés. Dans tous les cas, un éloignement consiste pour une personne à quitter le territoire français et, si son pays d’origine ne se situe pas dans l’Union européenne, à quitter l’UE. Mais, comme elle l’explique à Factoscope, la DGEF « ne peut calculer le nombre de personnes déboutées du droit d’asile chaque année en France puisque ces derniers n’ont pas de statut juridique ».

Dans tous les cas, lorsque Marine Le Pen avance qu’1 % des personnes déboutées du droit d’asile sont renvoyées chez elles, elle a tord. Aujourd’hui, aucune étude, aucune statistique ne permet de déterminer avec certitude le nombre de déboutés du droit d’asile à avoir quitté ou non la France.

Contactés par Factoscope pour nous fournir sa source, Marine Le Pen et son équipe n’ont pas répondu à notre sollicitation.

Jeanne Laudren