MARINE LE PEN

« L’intégralité des soins est prise en charge pour les clandestins, pas pour les Français »

 

Lorsque Marine Le Pen constate que « l’intégralité des soins est prise en charge pour les clandestins, ce qui n’est pas le cas pour les Français, même pour les Français qui cotisent », elle a en partie raison. L’Aide médicale d’État prend effectivement en charge 100 % des soins pour les personnes en situation irrégulière. Mais pour ce qui est des Français, cela dépend du niveau de revenu.

LE CONTEXTE

Marine Le Pen, la présidente du FN, était l’invitée de LCI dans l’émission « Objectif Élysée », le 7 février, afin d’évoquer son programme après le lancement de sa campagne pour la présidentielle de 2017. Elle a notamment été interrogée sur le délai de carence que souhaite mettre en place le FN et qui consiste à faire attendre deux ans un travailleur étranger en situation régulière avant qu’il puisse bénéficier de droits sociaux dont l’accès aux soins. Marine Le Pen a soulignée que, actuellement, « l’intégralité des soins est prise en charge pour les clandestins, ce qui n’est pas le cas pour les Français ».

 

L’EXPLICATION

En France, les personnes en situation irrégulière et précaire bénéficient effectivement de soins pris totalement en charge par l’Aide médicale d’Etat (AME). Elle vise à lutter contre les exclusions et est destinée aux étrangers placés en rétention administrative et à ceux sans titre de séjour ni récépissé de demande de séjour. Les soins médicaux et dentaires, les médicaments ainsi que les hospitalisations sont pris en charge à 100 %. Ces étrangers ne peuvent en bénéficier qu’à certaines conditions : ils doivent notamment résider en France depuis plus de trois mois, de façon ininterrompue et stable. Les enfants immigrés, eux, n’ont pas à respecter ce délai, ils bénéficient directement de l’AME. Elle n’est accessible que pour les personnes en situation irrégulière dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond (voir le tableau ci-dessous) : 8 653 € par an pour une personne seule (soit 721 € par mois).

Des soins pour tous avec la Protection universelle maladie

La présidente du FN dénonce le fait que l’intégralité des soins ne soit pas prise en charge pour les Français, y compris pour ceux qui cotisent. Le 1er janvier 2016, la Protection universelle maladie (Puma) est entrée en application. Elle remplace la Couverture maladie universelle (CMU) de base. Les actifs percevant des revenus professionnels au-delà d’un certain seuil, les étudiants, les pensionnés et les chômeurs en bénéficient gratuitement. Les autres Français doivent cotiser.

Avec la Puma, toute personne travaillant ou résidant en France peut bénéficier d’un droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie. Cependant, la Puma ne prend en charge que les frais de santé qui relèvent de l’assurance maladie obligatoire. Une personne paye donc ses dépenses de santé et est ensuite remboursée de la « part sécurité sociale », soit 70 % du coût total. Les 30 % restants ou encore le forfait journalier en cas d’hospitalisation sont à la charge de cette personne. C’est pourquoi la CMU complémentaire continue d’exister. Elle prend en charge ces 30 % restants mais, tout comme la Puma, ne rembourse pas les médicaments, examens et soins non prescrits par un médecin.

Si toute personne résidant ou travaillant en France peut bénéficier de la Puma, ce n’est pas le cas pour la CMU complémentaire. Pour avoir accès à cette complémentaire gratuite, une personne doit résider de manière habituelle et stable en France et avoir un revenu mensuel qui ne dépasse pas un certain plafond (voir tableau ci-dessous). Il s’élève à 721 € par mois pour une personne seule, comme pour l’AME dont bénéficient les personnes en situation irrégulière, soit bien en dessous du seuil de pauvreté français (1 008 € en 2014 selon l’Insee).

Les personnes dont le revenu mensuel est supérieur à 721 € doivent payer une complémentaire santé ou une mutuelle pour bénéficier des 30 % des frais de santé restants remboursés. Selon l’enquête Le coût des mutuelles en France, menée par l’agence Oxygen, une mutuelle coûte entre 26 € et 212 € par mois. Cela varie en fonction de la situation familiale et de l’âge des personnes. Certains ménages ne peuvent donc pas se permettre de s’offrir une mutuelle.

Marine Le Pen a donc raison lorsqu’elle affirme que « l’intégralité des soins est prise en charge pour les clandestins », grâce à l’Aide médicale d’Etat. Mais c’est aussi le cas pour les Français les plus pauvres : ils bénéficient de deux systèmes de santé gratuits qui, ajoutés l’un à l’autre, leur remboursent 100 % des soins. Pour les autres, ceux qui gagnent plus de 721 € par mois, ils doivent payer une complémentaire ou une mutuelle santé en plus de cotiser pour la Protection universelle maladie afin d’avoir accès aux mêmes prestations.

Jeanne Laudren

Les sources à consulter