NICOLAS DUPONT-AIGNAN

« Mon parti était le seul aux législatives de 2012 à avoir eu une amende car nous avions trop de femmes »

 

Invité dans l’émission C à Vous, Nicolas Dupont-Aignan a affirmé que son parti était le seul à avoir dû payer une amende pour avoir présenté trop de femmes aux législatives de 2012. Le candidat Debout la France dit vrai.

 

LE CONTEXTE

Nicolas Dupont Aignan était l’invité C à Vous sur France 5 le 8 mars, journée internationale pour les droits des femmes. Il a profité de cette occasion pour rappeler son attachement à la parité au sein de son parti. « J’ai été le seul parti aux législatives en 2012 qui a eu une amende parce que nous avions trop de femmes. Je n’avais pas la parité, dans le mauvais sens. Je ne savais pas que j’aurais une amende si je présentais plus de femmes que d’hommes », a-t-il affirmé.

 

L’EXPLICATION

En 2012, le parti de Nicolas Dupont-Aignan présente 53 % de femmes aux législatives, et 47 % d’hommes. Mais depuis la loi du 6 juin 2000, les partis doivent favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Pour les élections législatives, la loi n’est pas contraignante, mais incitative. Si l’écart entre les hommes et les femmes candidats n’est pas compris entre 48 % et 52 %, le législateur prévoit une retenue sur la première fraction de la dotation financière que les partis politiques reçoivent chaque année.

L’aide qu’un parti reçoit de l’Etat diminue donc s’il présente plus d’hommes que de femmes, mais également s’il y a plus de candidates que de candidats. Le parti de Nicolas Dupont-Aignan est le seul à avoir présenté une part plus importante de femmes que d’hommes. Résultat, depuis 2012, sa dotation est amputée de 10 863 euros chaque année. « L’objectif est qu’il n’y ait plus de sexe sous-représenté. L’enjeu est de tendre vers l’égalité tout en se protégeant de tout renversement de domination, même si cet horizon est aujourd’hui très lointain et improbable », avance Réjane Sénac, chargée de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po, présidente de la Commission parité du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, et auteure de “Les non-frères au pays de l’égalité” (Presses de Sciences Po, 2017).

Comme le parti Debout la République (aujourd’hui Debout la France), d’autres ont également vu leur dotation réduite. C’est le cas notamment de l’UMP (aujourd’hui Les Républicains) pour près de 4 millions d’euros et du PS pour 1,4 millions d’euros. Certains ont cependant fait de réels efforts pour présenter autant de femmes que d’hommes. Parmi eux : EE-LV, le PCF et le FN. Pour autant, cela ne veut pas dire que leur politique en matière d’égalité femmes-hommes est comparable. « Europe Ecologie les Verts est un parti féministe et paritaire depuis sa création et le PCF porte une réflexion sur ce qu’est être de gauche et féministe depuis longtemps. Ils se donnent les moyens de penser et porter une société égalitaire et féministe, alors que le FN défend une société traditionnelle et inégalitaire de la complémentarité des sexes. », relève Réjane Sénac.

 

Le FN : respecter la parité pour éviter les sanctions financières

Selon Réjane Sénac, le FN aurait un intérêt tout particulier à respecter la parité, pour une raison plus financière qu’idéologique. En effet, le montant de la dotation que reçoit chaque année un parti dépend de deux fractions. La première fraction varie selon le résultat d’un parti aux législatives et est minorée s’il ne respecte pas la parité des candidatures. La deuxième fraction est elle proportionnelle au nombre de parlementaires. Or, le FN n’a que deux députés et deux sénateurs. Le montant des aides qu’il reçoit dépend donc majoritairement de son résultat aux législatives et de son respect de la parité. En respectant la parité, le parti se donne une image moderne tout en évitant les sanctions financières.

La parité parmi les candidats aux législatives ne dirait donc pas grand chose de la politique d’un parti en matière d’égalité. « Si l’on ne se focalise que sur la proportion de femmes candidates aux législatives, les partis qui ont pour le moment peu d’élus ont beau jeu de dire “regardez, on a la parité nous”. Qu’est-ce que Marine le Pen a voté au parlement européen ? Qu’est-ce que Marion Maréchal le Pen ou Gilbert Collard ont voté à l’Assemblée nationale ? La réponse est claire, ils n’ont pas une seule fois voté en faveur d’une mesure élargissant ou protégeant les droits des femmes, d’après les scrutins publics. Ce sont les vrais indicateurs », argue Réjane SénacPour comprendre leur rapport à l’égalité, mieux vaut donc s’attarder sur leur programme, sur leurs revendications, et sur leurs votes passés plutôt que sur le nombre de femmes qu’ils présentent aux législatives.

 

Malgré la loi, « les résultats sont peu probants »

Les retenues sur la dotation publique, si elles ont bien incité les partis à aller vers plus de parité, ne semblent pas aller assez loin. En effet, ces dispositions concernent uniquement les candidatures, et non les élus. En 2012, 40,1% des candidatures aux élections législatives de 2012 étaient celles de femmes. Mais, surprise, la proportion de femmes élues députées atteint seulement 26,9 %. Pourquoi une telle différence ? « Les partis restent dans une logique de prime aux élus sortants, les femmes sont donc en moyenne investies dans des circonscriptions moins bonnes électoralement, voire difficilement gagnables », commente la chercheuse. En somme, la parité parmi les candidatures ne garantit pas du tout la parité dans l’hémicycle.


« En présence d’incitation légale, telles que les retenues financières pour non présentation de candidatures paritaires aux élections législatives, les résultats sont peu probants », constate un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. A l’approche des législatives qui auront lieu en juin prochain, les partis sont cependant encore plus vivement incités à respecter la parité. Et ce depuis la Loi du 4 août 2014 (dite loi Vallaud-Belkacem). Et pour cause, cette loi double les pénalités à l’encontre des partis politiques ne respectant pas la parité aux élections législatives. Lorsque l’on sait qu’en cas de pénalités, celles-ci s’appliquent annuellement durant cinq ans (jusqu’aux prochaines élections législatives), cela peut se chiffrer en dizaines de millions d’euros.

Chloé Marriault

Les sources à consulter