PHILIPPE POUTOU

« Les dirigeants des 120 plus grandes entreprises gagnent 3,5 M d’€ par an »

Philippe Poutou était en déplacement à Sciences Po Bordeaux le 1er février dernier pour défendre ses idées en vue de la présidentielle. Le candidat du NPA, le nouveau parti anti-capitaliste, s’est notamment indigné des concentrations de richesse en France où les grands dirigeants gagneraient 3,5 millions d’euros en un an. Un chiffre exact selon Proxinvest, un cabinet de conseil aux investisseurs.

 

 

LE CONTEXTE

Philippe Poutou est allé à la rencontre des étudiants de Sciences Po Bordeaux le 1er février dans le cadre de sa campagne présidentielle. Lors de son discours, il a dénoncé les concentrations de richesse à l’échelle planétaire, et les salaires « faramineux » que touchaient les grands patrons Français. « En France, on peut discuter de Bettencourt, de Mulliez, de Arnault, qui ont, à peu près, entre 25 et 30 milliards d’euros dans leur compte. On peut discuter de ce que récupèrent les actionnaires, notamment les entreprises du CAC 40, ou même les 120 plus grosses entreprises. Ce sont 57 milliards d’euros qui ont été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes. Ce sont les profits des grosses entreprises et des multinationales qui augmentent », a-t-il alors déclaré avant d’ajouter : « En moyenne, pour les 120 plus grandes entreprises, les dirigeants gagnent, chacun, 3,5 millions d’euros dans l’année. » Proxinvest, un cabinet de conseil aux investisseurs, a calculé ces rémunérations et aboutit aux mêmes conclusions que Philippe Poutou.

 

L’EXPLICATION

D’après les données publiées en novembre 2016 par Proxinvest, un cabinet de conseil aux investisseurs, les dirigeants des sociétés du CAC 40, indice composé des 40 plus grandes sociétés françaises, ont touché jusqu’à 5 millions d’euros de rémunération annuelle en 2015, soit une hausse de 18% par rapport à 2014. Si l’on s’attarde sur les dirigeants des sociétés du SBF 120 (Société des bourses Françaises), autrement dit les entreprises du CAC 40 ainsi que les 80 plus grandes entreprises suivantes, leur rémunération a atteint en moyenne 3,5 millions d’euros en 2015, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente.

 

Le directeur général de Sanofi, Olivier Brandicourt, arrive en tête du classement des dirigeants Français les mieux rémunérés en 2015, avec un salaire de 16,8 millions d’euros, dont 7,2 millions de « prime de bienvenue ». Gilles Gobin, fondateur de l’entreprise Rubis, qui a pour activité le stockage de produits pétroliers et chimiques, est deuxième du classement avec 16,4 millions d’euros de rémunération. La troisième position revient à Carlos Ghosn, président de Renault et Nissan, avec un salaire total de 15,6 millions d’euros par an. La quatrième et la cinquième place reviennent respectivement à Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, avec 14,1 millions d’euros, et à Jean-Pascal Tricoire, président directeur général de Schneider Electric avec 10,4 millions d’euros par an.  « Ces exemples tirent la moyenne du SBF 120 vers le haut. La médiane* du SBF 120 est plus modérée, puisqu’elle s’élève à 2,6 M d’€, même si elle aussi est en hausse de 7,8 % par rapport à l’année précédente », précise Alexandra Gyarmati, analyste et responsable de l’étude de Proxinvest.

Les données établies par Proxinvest prennent en compte l’ensemble des formes de rémunération perçues sur l’année 2015, autrement dit le salaire fixe ou « de base », les bonus annuels et toutes les autres formes de rémunérations. Alexandra Gyarmati donne un exemple : « Le bonus annuel varie selon la performance de la société au cours de l’année. Si la société atteint ses objectifs, le directeur général touchera un bonus du même montant que son salaire de base. » 

Des salaires fixes à 240 SMIC maximum

Par ailleurs, Proxinvest a évalué à 4,8 millions d’euros la « rémunération maximale socialement acceptable » pour les grands patrons,  ce qui équivaut à 240 SMIC. Là encore, ce montant correspond à la rémunération fixe et exclut donc toutes les autres formes de rémunérations. Si aucun des salaires fixes des grands dirigeants français n’excède cette limite, ils sont en revanche nombreux à la dépasser s’il l’on prend en compte l’ensemble de leurs rémunérations. « En France, 26 grands dirigeants de la SBF 120 dépassent, toutes rémunérations confondues, ce montant de 4,8 millions d’euros par an, contre 16 en 2014 », ajoute Alexandra Gyarmati.

Les dirigeants des grandes entreprises françaises ne sont pas les seuls à percevoir des rémunérations de plusieurs millions d’euros. D’après l’étude du Hight pay center, un groupe de réflexion indépendant au Royaume-Uni, les grands patrons du FTSE 100, indice boursier des cent entreprises britanniques les mieux côtées à la bourse de Londres, ont eux aussi vu leur rémunération augmenter. Ceux-ci ont perçu en moyenne en 2015, 5,48 millions de livres, soit 6,46 millions d’euros. Ce chiffre, en hausse par rapport à 2014 (+10 %), correspond à l’addition du salaire fixe et de toutes autres formes de rémunération.

L’augmentation des rémunérations des grands patrons n’est donc pas une exception franco-française. Pour ce qui est de l’Hexagone, Philippe Poutou a raison quand il affirme que les dirigeants des 120 plus grandes entreprises gagnent en moyenne 3,5 millions par an, même si ce chiffre recouvre une très grande disparité de rémunérations.

 

Apolline Merle

*La médiane, à ne pas confondre avec la moyenne, est le chiffre au-dessus et en-dessous duquel on trouve le même nombre de personnes rémunérées.

Les sources à consulter

  • Proxinvest, «Publication du rapport Proxinvest sur la rémunération des dirigeants en 2015»
  • Hight pay center, «10% pay rise? That’ll do nicely»