PHILIPPE POUTOU

« L’impôt sur les sociétés était de 50 % dans les années 80, il est de 33 % aujourd’hui »


Invité dans l’émission C polémique sur France 5, Philippe Poutou a estimé que l’impôt sur les sociétés était passé de 50 % dans les années 80 à 33 % aujourd’hui. Il dit vrai. A partir de 1985, l’impôt sur les sociétés qui était alors de 50 %, a progressivement diminué.

 

LE CONTEXTE

Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) à l’élection présidentielle, était invité dans l’émission C polémique sur France 5 le 9 avril. Interrogé par Bruce Toussaint, il est revenu sur sa proposition d’interdire les licenciements. L’occasion pour lui de fustiger la « multiplicité de cadeaux faits aux patrons ». « On a une politique depuis des décennies qui se traduit par des baisses d’impôt sur les sociétés, qui était à 50 % dans les années 80, qui est aujourd’hui officiellement à 33 %. Et en réalité, beaucoup d’entreprises paient beaucoup moins que ça », a-t-il avancé.

 

 

L’EXPLICATION

L’impôt sur les sociétés (IS) taxe les bénéfices annuels réalisés en France par une entreprise. Cet impôt a été mis en place en 1948. Comme le dit Philippe Poutou, le taux d’imposition est aujourd’hui de 33,33 %. Ce taux est appliqué lorsque les bénéfices imposables d’une entreprise sont supérieurs à 75 000 €. A cela s’ajoute une contribution sociale de 3,3 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxe est d’au moins 7,63 millions d’euros et dont l’impôt sur les sociétés dépasse 763 000 €.

Philippe Poutou a raison lorsqu’il dit que le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés est nettement moins important qu’il y a une trentaine d’années. En effet, à partir de 1985, cet impôt, qui s’élevait alors à 50 %, a progressivement diminué. « Si on a un impôt sur les sociétés beaucoup plus élevé que les autres pays, les entreprises risquent de partir s’installer ailleurs, avance François Ecalle, président du site internet Fipeco sur la finance publique, interrogé par Factoscope. La France a donc dû s’aligner sur les autres pays pour rester compétitive. » Jusqu’à s’établir en 1993 à 33,33 %, taux encore pratiqué aujourd’hui. Il n’existe à ce jour aucune harmonisation au niveau européen et les pays se livrent une concurrence fiscale acharnée pour rester attractifs.

 


Autre raison de la baisse du taux d’imposition en France :
« Si l’on taxe les bénéfices des sociétés, cela incite moins les actionnaires à investir. Un taux élevé peut pénaliser l’investissement et donc l’emploi », explique François Ecalle.

La baisse de l’impôt sur les sociétés devrait se poursuivre en France, notamment suite à la loi de finances pour 2017. Le taux d’impôt sur les sociétés va progressivement être abaissé à 28 %. La mesure commence par s’appliquer en 2017 aux petites et moyennes entreprises (PME), elle concernera ensuite l’ensemble des entreprises d’ici 2020.

Ce taux pourrait encore diminuer sous la pression du Royaume-Uni. « Dans le cadre des négociations sur le Brexit, les Anglais menacent de baisser leurs impôts sur les sociétés pour être plus attractifs », relève François Ecalle. Alors que le taux d’imposition est aujourd’hui de 33,3 % en France, il est de 20 % outre-Manche. Et le Royaume-Uni menace de l’abaisser à 10 %, ce qui rendrait le pays encore plus attractif que l’Irlande dont le taux d’imposition est à 12,5 %. Le Royaume-Uni se retrouverait alors avec un impôt sur les sociétés aussi bas qu’en Bulgarie.  

En outre, comme l’affirme le candidat du NPA, certaines entreprises paient moins que 33,33 % sur leurs bénéfices. En effet, le taux d’impôt varie selon les bénéfices des sociétés. Sous certaines conditions, il est abaissé à 15 % pour les PME sur les premiers 38 120 euros de bénéfice annuel. De plus, certaines multinationales arrivent à payer moins d’impôts sur leurs bénéfices en les déclarant dans des pays où les taux sont plus bas. Enfin, les entreprises peuvent bénéficier d’exemptions et notamment de crédits d’impôts comme le CICE, ce qui réduit dans les faits leur taux d’imposition.


Philippe Poutou a donc raison lorsqu’il affirme que l’impôt sur les sociétés est passé de 50 % dans les années 80 à 33,33 % aujourd’hui et que certaines entreprises paient encore moins que ce taux sur leurs bénéfices.

Chloé Marriault