VINCENT PEILLON

« Bachar al-Assad a massacré 350 000 civils »


Vincent Peillon, le candidat éliminé lors de la primaire de la gauche, a tenté de chiffrer le bilan humain en Syrie depuis le début du conflit syrien. Il accuse le régime d’avoir tué 350 000 civils. Des chiffres très largement gonflés si l’on en croit les différents recensements effectués.

LE CONTEXTE

Lors du troisième et dernier débat du premier tour des primaires de la gauche, diffusé sur France 2 le 19 janvier, les candidats ont été invités à s’exprimer sur la politique internationale et notamment sur le conflit en Syrie. L’ancien ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon a alors déclaré que le président syrien Bachar el-Assad avait « massacré 350 000 civils ».

L’EXPLICATION

Lorsqu’ils sont interrogés sur le conflit syrien et sur Bachar al-Assad, les politiques ont une fâcheuse tendance à vouloir chiffrer le bilan humain dont est responsable le régime. Mais il est compliqué, voire impossible, de déterminer précisément le nombre de morts à imputer à chaque belligérant. Nicolas Sarkozy avait déjà hasardé ces chiffres en septembre dernier (à partir d’1h59), accusant le régime syrien d’être responsable de la mort de 150 000 à 250 000 civils. Jeudi dernier, lors du troisième débat de la primaire de la gauche, c’est Vincent Peillon qui s’est essayé à cet exercice périlleux, dénonçant le massacre de 350 000 civils.

L’OSDH, une source citée mais discutée

Il ne s’agit pas ici de minimiser les crimes de Bachar al-Assad, ni de décréter que les chiffres des organisations qui travaillent sur le conflit syrien sont exacts, mais plutôt de remettre un peu d’ordre dans un dénombrement non-sourcé et donc disproportionné si l’on en croit les quelques chiffrages établis.

Aujourd’hui, aucun organisme n’est en mesure d’avancer avec certitude le nombre de morts en Syrie. Encore moins depuis que l’ONU a stoppé son recensement en avril 2014. Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) avait d’ailleurs considéré à l’époque qu’il existait trop de contradictions pour établir un rapport fiable.

De leur côté, les médias occidentaux ont pour habitude de citer l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) lorsque le bilan humain du conflit est évoqué. Parmi les organismes effectuant le chiffrage, l’OSDH est la seule à rendre compte de toutes les factions. Par ailleurs, elle admet avec lucidité que ses rapports restent approximatifs, et que le nombre de morts pourrait être plus élevé.

Il est toutefois nécessaire de préciser que la légitimité de l’organisation, dirigée par un syrien expatrié en Angleterre, Rami Abdel Rahman, est très contestée. S’appuyant sur le travail de journalistes citoyens opérant en Syrie, l’OSDH est à la fois accusée de favoriser Bachar al-Assad et de recevoir des subventions du Qatar et des Frères musulmans. Néanmoins, cela n’empêche pas de nombreux médias, comme l’AFP, Reuters ou RFI, de considérer l’organisation comme étant la plus fiable en ce qui concerne le conflit syrien.

Entre 90 000 et 188 000 civils tués selon les différents organismes

Ainsi, si l’on en croit le dernier recensement de l’OSDH en décembre 2016, Vincent Peillon surestime le nombre total de morts en Syrie ou omet qu’une guerre implique des pertes chez tous les belligérants. En effet, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme avance le chiffre de 312 000 morts depuis le début du conflit en 2011, dont 90 500 civils, bien loin des estimations de l’ancien ministre de l’Éducation.

Parmi les autres organismes effectuant ce recensement, la Syrian Revolution Martyr Database dénombrait 116 029 civils tués depuis le début du conflit. C’est le Réseau syrien des droits de l’Homme qui se rapproche le plus des chiffres avancés par Vincent Peillon. L’organisation comptait en novembre dernier 203 097 civils tués, dont 188 729 à imputer au régime de Bachar al-Assad et à ses alliés.

203 097 civils ont été tués par des groupes ou des régimes politiques. Le régime syrien est de loin celui qui tue le plus de civils (188 729), suivi des factions rebelles (3 668), des forces russes (3 558) et de Daesh (2 998). Les forces de la coalition internationale aurait tué 669 civils (Source : Réseau syrien des droits de l’Homme)

Le Centre syrien pour la recherche politique évoque quant à lui dans son dernier rapport datant de mars 2015, accessible ici en anglais et traduit ci-dessous (en passant votre souris sur l’icône rouge de l’infographie), un total de 210 000 morts, sans distinguer les pertes de chaque camp.

Vincent Peillon a donc largement surestimé le nombre de civils tués par Bachar el-Assad. Quel que soit l’organisme effectuant le recensement, aucun chiffre ne fait état de 350 000 morts comme l’avançait le candidat à la primaire de la gauche. Afin d’en savoir plus sur les sources de Vincent Peillon, nous avons sollicité son équipe, une fois sur son site www.vp2017.fr et une seconde fois sur Twitter à l’intention de son attaché de presse. Mais ces demandes sont restées sans réponse.

Antonin Deslandes