Avec le traité d’Aix-la-Chapelle, la loi ne serait plus la même sur tout le territoire

3 Fév 2019

 

JEAN-LUC MÉLENCHON

« Avec le traité d’Aix-la-Chapelle, la loi ne serait plus la même sur tout le territoire »

Jean-Luc Mélenchon estime que le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier par Emmanuel Macron et Angela Merkel, comporte des dispositions anticonstitutionnelles. Notamment celles qui, selon lui, créent une uniformisation législative franco-allemande pour les départements frontaliers. C’est faux, le traité prévoit seulement des outils juridiques pour adapter au cas par cas les règles locales.

LE CONTEXTE

Emmanuel Macron et Angela Merkel ont signé, le 22 janvier 2019, à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, le traité sur la coopération et l’intégration franco-allemande. Très vite, il avait suscité une levée de bouclier dans les rangs de l’opposition. Principales accusations : Emmanuel Macron s’apprêterait, par ce traité, à affaiblir la France au profit de l’Allemagne. C’est ce que soutiennent par exemple Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou encore Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier était l’invité de Dimanche en politique, sur France 3, le 27 janvier 2019. Il y a étrillé ce texte et, en particulier, le chapitre 4 qui porte sur la coopération régionale et transfrontalière. Selon lui, ce passage comporte « des aspects anticonstitutionnels. Par exemple, avoir décidé que les régions frontalières françaises et allemandes pourraient unifier leur législation. Ce qui signifie que la loi ne serait plus la même sur tout le territoire et qu’il y aurait un endroit où il y aurait une loi franco-allemande. » Des dispositions qui, toujours selon le chef de file de La France insoumise (LFI), remettent en cause le caractère unitaire de la République affirmé dès le premier chapitre de la Constitution de 1958.

L’EXPLICATION

Annoncé par l’Élysée le 8 janvier, le traité d’Aix-La-Chapelle doit renforcer « les liens déjà étroits entre l’Allemagne et la France, indiquait la présidence, notamment dans les domaines de la politique économique, de la politique étrangère et de sécurité, de l’éducation et de la culture, de la recherche et de la technologie, du climat et de l’environnement, ainsi qu’en matière de coopération entre les régions frontalières et entre les sociétés civiles ».

En d’autres termes, ce texte vise à compléter le traité de l’Élysée, signé en 1963, également le 22 janvier, par le Président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer. Parmi les mesures phares de ce traité qui a scellé l’amitié franco-allemande : des rencontres systématiques entre les chefs d’État et de gouvernement et entre des ministres ou encore la création de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), pour favoriser l’apprentissage du français et de l’allemand.

Le texte de 2018, lui, est divisé en sept chapitres, chacun traitant d’un domaine de coopération. C’est le quatrième qui pose problème à Jean-Luc Mélenchon. Intitulé « Coopération régionale et transfrontalière », il comporte cinq articles. Le premier, l’article 13, reconnaît l’importance de la coopération transfrontalière pour resserrer les liens entre citoyens et entreprises de chaque côté de la frontière. À ce titre, la suite du texte indique : « Les deux États dotent les collectivités territoriales des territoires frontaliers et les entités transfrontalières comme les eurodistricts [territoire situé sur deux États, NDLR] de compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées permettant de surmonter les obstacles à la réalisation de projets transfrontaliers […] » Dans les faits, cette disposition pourra permettre d’adapter les règles locales aux réalités des régions frontalières. Mais cela ne pourra se faire que sur demande spécifique des acteurs locaux. C’est en tout cas ce qu’explique le site gouvernemental Vie-publique.fr.

« Dans le respect des règles constitutionnelles »

Autre grande mesure prise dans le sens de cette coopération : la création d’un comité de coopération transfrontalière. Instaurée par l’article 14, cette instance réunira les États, les collectivités territoriales, les parlements et les entités transfrontalières. La liste de ses attributions figure également dans le texte du traité.

En revanche, il n’y est nulle part question d’uniformisation législative, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon. Le traité ne prévoit pas de créer une zone soumise à une « loi franco-allemande ». Quant à l’aspect constitutionnel de ces dispositions, il est pris en compte par le texte. Le deuxième alinéa du chapitre 13 précise que ces mesures sont prises « dans le respect des règles constitutionnelles respectives des deux États et dans les limites du droit de l’Union européenne  ».

Nicolas Campitelli

Les sources à consulter

  • Elysee.fr : Traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération et l’intégration franco-allemandes.
  • Vie-publique.fr : La France et l’Allemagne signent le traité d’Aix-la-Chapelle.
  • Conseil-constitutionnel.fr : Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur.