Dans les 27 autres pays d’Europe, il y a partout la proportionnelle aux élections législatives

12 Fév 2019

 

NICOLAS BAY

« Dans les 27 autres pays d’Europe […], il y a partout la proportionnelle aux élections législatives »

Nicolas Bay, député européen du Rassemblement national, affirme que la France est le seul pays de l’Union européenne, si l’on ne prend pas en compte le Royaume-Uni, à avoir adopté un système majoritaire pour ses élections législatives. C’est vrai.

LE CONTEXTE

Introduire plus de proportionnelle dans le scrutin des élections législatives était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Jeudi 31 janvier 2019, il a réaffirmé cette volonté lors d’une conférence de presse à l’Élysée. Dans ce contexte, Nicolas Bay, député européen du Rassemblement national, s’est positionné sur cette question, lundi 4 février, pendant l’émission « Territoires d’infos » de Public Sénat. Dénonçant « une démocratie représentative qui n’existe pas en France », il a affirmé : « Dans les 27 autres pays d’Europe – 26 si l’on considère que la Grande-Bretagne est en train d’en sortir – , il y a partout la proportionnelle aux élections législatives. »

 

L’EXPLICATION

En Europe, trois modes de scrutin régissent les élections législatives : majoritaire, proportionnel et mixte. Dans le premier cas, le candidat qui obtient le plus de voix détient la majorité, qu’elle soit absolue ou relative. Ce mode de scrutin s’applique, par exemple aux élections législatives françaises et britanniques.

Dans un scrutin proportionnel, en vigueur aux Pays-Bas ou en Belgique, le nombre de sièges obtenus dépend du nombre de voix remportées. « Si, par exemple, un parti fait 40 % des voix, on fait en sorte qu’il détienne 40 % de sièges. Dans ce cas, une circonscription n’est pas représentée par un élu, comme dans le système majoritaire, mais par plusieurs élus », détaille Jean-Benoît Pilet, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles.

D’autres pays européens ont emprunté aux deux systèmes, comme l’Allemagne, l’Italie ou la Hongrie. Ce mode de scrutin, dit mixte, recouvre pourtant des réalités très différentes. Selon Olivier Rosenberg, enseignant et chercheur au Centre d’études européennes de Sciences Po, « la logique proportionnelle prévaut le plus souvent », comme en Allemagne. Mais il existe quelques exceptions. En Hongrie, par exemple, la moitié des députés du Parlement est issue d’un vote au scrutin proportionnel.

Dans ce paysage politique européen, la France et le Royaume-Uni font donc bien figure d’exceptions. Une réalité que montre Jean-Benoît Pilet dans son projet d’étude des systèmes politiques des pays européens, conduits avec son confrère de l’université de Reading, Alan Renwick.

Au XXe siècle, de nombreux partis ont émergé. Pour garantir une juste représentation de ces nouvelles formations, beaucoup de pays sont passés au scrutin proportionnel. Contrairement aux autres pays européens, la France est revenue au scrutin majoritaire. « Celui-ci correspondait au modèle de la Ve République. Le système de coalitions était rejeté idéologiquement par les gaullistes. C’était aussi un bon moyen d’éviter les instabilités politiques », explique Jean-Benoît Pilet.

 

En France, plus de proportionnelle aux législatives

Aujourd’hui, le gouvernement français réfléchit à modifier son système politique. Emmanuel Macron a promis de faire élire 15 % des députés de l’Assemblée nationale au scrutin proportionnel. Cette évolution, revendiquée par les gilets jaunes, est actuellement débattue au sein du gouvernement, dans le cadre du grand débat. « En France, la domination des deux blocs, droite et gauche, s’effrite et les partis politiques se multiplient. Dans ce cas, le scrutin majoritaire n’est pas le plus approprié », analyse Jean-Benoît Pilet.

En revanche, il est peu probable que le Royaume-Uni passe au scrutin proportionnel. En 2011, lors d’un référendum sur le sujet, les Britanniques avaient voté pour le maintien du système actuel. « Une fois le Brexit en vigueur, on pourrait imaginer une évolution vers plus de proportionnelle. En effet, des scissions persistent au sein des partis travailliste et conservateur », explique Jean-Benoît Pilet. Mais le Royaume-Uni est aussi l’un des pays les plus rétifs au changement institutionnel, comme le montre le maintien de la Chambre des Lords, datant du Moyen-Âge.

L’affirmation de Nicolas Bay est donc vraie. En effet, la France et le Royaume-Uni sont les deux pays de l’Union européenne où les députés sont élus au scrutin majoritaire. Cette situation s’explique par leurs cultures et leurs histoires politiques, fondées sur le bipartisme.

Tiffany Fillon

Les sources à consulter