À l’Assemblée, on a demandé au gouvernement pourquoi il ne testait pas tout le monde. Ils ne répondaient plus

4 Avr 2020

 

JEAN-LUC MÉLENCHON

« À l’Assemblée, on a demandé au gouvernement pourquoi il ne testait pas tout le monde. Ils ne répondaient plus »

​Mardi 24 mars 2020, Jean-Luc Mélenchon s’est plaint que le gouvernement n’a pas répondu aux questions posées à l’Assemblée nationale sur l’absence de dépistage massif du coronavirus ; de plus, selon lui, l’OMS recommande que tout le monde soit testé. Le Premier ministre s’est pourtant bien exprimé sur le dépistage; quant à l’OMS, ses recommandations sont moins catégoriques que le leader LFI ne le dit.   

LE CONTEXTE

Le mardi 24 mars 2020, Jean-Luc Mélenchon, député et leader de la France insoumise, était interviewé dans l’émission Les 4 vérités sur Franceinfo. Evoquant le travail de son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a déclaré : « On passe la journée à leur dire : “Pourquoi, alors que l’Organisation mondiale de la santé vous dit qu’il faut tester tout le monde, pourquoi vous décidez que non ? A ce moment-là, le Premier ministre avait dit : “Ca ne sert à rien.” On a passé la journée à leur poser la question, ils [le gouvernement] ne répondaient plus ! »

Le député France insoumise fait référence à la journée du jeudi 19 mars 2020. Au programme de l’Assemblée nationale, ce jour-là : les questions au gouvernement et le vote du projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui entend répondre à la crise économique provoquée par la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19.

Cette déclaration est reprise sur son compte Twitter avec une légère modification : « À l’Assemblée, on a passé notre temps à demander au gouvernement pourquoi il ne lançait pas des tests systématiques sur le #Covid_19fr comme le recommande l’OMS. Nous n’avons jamais eu de réponse. #Les4V ».

L’EXPLICATION

La question du recours à des tests de dépistage du coronavirus a effectivement été posée plusieurs fois dans l’hémicycle. Pendant les questions au gouvernement, d’abord, la députée socialiste Valérie Rabault s’interroge : « Les pays qui, pour l’heure, ont le mieux réussi à endiguer l’épidémie sont ceux qui ont massivement recouru aux tests sur leur territoire national […] Vu la progression de l’épidémie, sera-t-il oui ou non possible de faire pratiquer un plus grand nombre de tests afin de la circonscrire par endroits ? »

Le Premier ministre Edouard Philippe répond en écartant l’hypothèse d’un dépistage généralisé : « La doctrine consiste à tester les personnes qui présentent des symptômes de l’infection au Covid-19 et qui sont hospitalisées, les personnels soignants qui présentent des symptômes, ainsi que les deux premières personnes à présenter des symptômes au sein d’un EHPAD […] Il ne servirait désormais à rien de tester tout le monde, préventivement ou en fonction des symptômes, car cela emboliserait nos capacités d’analyse et ne nous permettrait donc pas de réagir assez rapidement là où c’est absolument nécessaire. »

Philippe répond, Véran et Dussopt éludent

Il est à noter que quelques jours après cette séance à l’Assemblée, la position du gouvernement sur le dépistage a évolué. Lors d’un point presse samedi 21 mars, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a expliqué vouloir « faire évoluer la doctrine » et « multiplier les capacités de tests au moment où nous lèverons le confinement. Nous devrons vérifier, pour les personnes pour lesquelles il y avait un doute, si elles présentaient ou non la maladie. » C’est ce que reproche Jean-Luc Mélenchon au gouvernement : annoncer un changement de stratégie sur le dépistage sans en avoir débattu avec les députés.

La question des tests est posée une deuxième fois par Mathilde Panot, députée France insoumise, sous l’angle du nombre de tests disponibles : « Pourquoi ne disposons-nous pas de tests en nombre suffisant pour organiser un dépistage généralisé, afin de permettre une prise en charge plus rapide et plus efficace, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé ? » Cette fois, comme le dénonce Jean-Luc Mélenchon, le ministre de la Santé Olivier Véran n’apporte aucune réponse et change de sujet.

Lors de la deuxième séance, consacrée au vote du projet de loi finances rectificatives, Jean-Luc Mélenchon insiste : « Alors que l’Organisation mondiale de la santé se prononce pour qu’un maximum de gens soient testés, ce matin, nous avons entendu le gouvernement assurer que cela n’est pas nécessaire. Qui a raison ? Est-ce le gouvernement ou l’OMS ? Sur quoi se fonde-t-il pour avoir pris la décision contraire ? » C’est ensuite Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat, qui prend la parole. Celui-ci répond à un autre député, mais n’évoque pas le sujet des tests.

A la fin de la journée, Jean-Luc Mélenchon déplore : « Je ne sais pas pourquoi nous finissons la journée sans avoir obtenu de réponse concernant les tests. »

L’OMS recommande de tester « tous les cas suspects »

Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon, qui défend comme d’autres députés un dépistage généralisé, a-t-il raison quand il dit que l’OMS recommande « de tester tout le monde » ? Tout dépend de ce que l’on entend par « tout le monde ». Lors d’un point presse à Genève lundi 16 mars 2020, le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a appelé à tester « tous les cas suspects », sans véritablement parler d’un dépistage de l’ensemble de la population.

Jean-Luc Mélenchon a tort de dire que le gouvernement n’a pas répondu à la question des tests. Certes, Olivier Véran et Olivier Dussopt ont éludé la question mais Edouard Philippe s’est exprimé et a estimé que tester tout le monde était inutile (dans les faits, c’est surtout que la France n’est pas en mesure de le faire, comme l’explique le conseil scientifique dans un avis du 23 mars 2020). La phrase publiée sur Twitter est plus problématique car elle omet cette réponse du Premier ministre. Pour ce qui est de l’OMS, l’agence de l’ONU recommande de tester les cas suspects, mais pas tout le monde.

Les propos de Jean-Luc Mélenchon sont donc imprécis.

François Blanchard