Le nombre de personnes qui se présentent aux urgences est passé de 8 millions en 1988 à 21 millions en 2017

17 Mai 2018

 

ADRIEN QUATENNENS

« Le nombre de personnes qui se présentent aux urgences est passé de 8 millions en 1988 à 21 millions en 2017. »

Convié sur le plateau de Dimanche en Politique sur France 3, le 13 mai 2018, Adrien Quatennens, le député de la France Insoumise a affirmé : « Le nombre de personnes qui se présentent aux urgences est passé de 8 millions en 1988 à 21 millions en 2017. » Une affirmation qui, en raison de l’absence de données pour les deux années citées, est imprécise.

LE CONTEXTE

Le décès de Naomi Musenga – une jeune femme dont l’appel vers le SAMU a été écourté et dont la prise en charge a été refusée par l’opératrice des services d’urgence – ravive le débat du manque de moyens et de la saturation de ce service hospitalier. Invité à réagir à ce sujet sur le plateau de Dimanche en Politique le 13 mai 2018 sur France 3, Adrien Quatennens, le député de la France Insoumise a tenu à rappeler : « Le nombre de personnes qui se présentent aux urgences est passé de 8 millions en 1988 à 21 millions en 2017. » Si les études démontrent bien une augmentation exponentielle du nombre de passages aux urgences, cette affirmation demeure imprécise.

L’EXPLICATION

Contactée par Factoscope, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) affirme « ne pas avoir de chiffres comparables pour  les années 1988 et 2017 ». Il semble en réalité qu’Adrien Quatennens se soit appuyé sur les chiffres communiqués quelques jours plus tôt par le médecin de l’Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF), Patrick Pelloux : « En 1988, on comptait 8 millions de passages aux urgences chaque année, contre 21 millions aujourd’hui », déclarait-il ainsi au quotidien Le Parisien, le 8 mai 2018. Sollicité lui aussi par Factoscope pour connaître la nature de ses sources, le médecin n’a pas donné suite à notre demande.

Souphaphone Douangdara, la cheffe des publications de la direction de recherche, précise que « les données de 2017, actuellement en cours de collecte, ne seront disponibles qu’au 31 juillet 2018  ». Quant à l’année 1988, aucune donnée sur le nombre de passages au service d’urgence n’est disponible, les statistiques annuelles sur les établissements de santé n’incluant pas ce recensement à l’époque. Ce dernier s’inscrit dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), qui fournit une description médico-économique de l’activité de court séjour des établissements de santé depuis 1997 seulement.

Ce que l’on sait, d’après les résultats de l’enquête Statistique Annuelle des Établissements de santé (SAE), publiée en en 2017 par la Drees, c’est que le passage annuel aux urgences s’établissait à 10,1 millions en 1996. Puis, à raison d’une augmentation régulière de 3,5 % chaque année, le nombre de passages a fini par atteindre le seuil de 20,3 millions en 2015. Le rapport du Sénat sur les urgences hospitalières déposé, lui, en juillet 2017, reprend ces chiffres et note que « cette croissance intervient à nombre de structures quasiment inchangé, puisque l’on recensait 723 services d’urgences en 2015, contre 736 au moment de l’enquête. »

Autrement dit, selon la cheffe des publications de la Drees : « Les ordres de grandeurs donnés par Adrien Quatennens semblent être les bons. » En extrapolant la part d’augmentation annuelle du nombre de passage aux urgences, le chiffre de 2017 pourrait en effet avoisiner les 21 millions et celui de 1988 avoisinerait de son côté les 8 millions.

Reste qu’en l’absence de données, l’affirmation d’Adrien Quatennens est imprécise. De plus, la Drees rappelle que l’étude recense le nombre de « passages » aux urgences, non de « personnes » s’y présentant. Car les mêmes personnes peuvent revenir plusieurs fois dans l’année et donc comptabiliser plusieurs passages à elles-seules.

Margaux Deuley