[Les conducteurs poids-lourds français] n’auront plus le droit de circuler sur les routes d’Angleterre

29 Jan 2019

 

HERVÉ MORIN

« [Les conducteurs poids-lourds français] n’auront plus le droit de circuler sur les routes d’Angleterre »

Le président de la région Normandie et de l’association des régions de France, Hervé Morin, a déclaré que les chauffeurs poids-lourds ne pourront plus conduire leurs camions en Angleterre avec le Brexit. Cette affirmation est imprécise. Les licences européennes des conducteurs poids-lourds seront bien caduques le 30 mars 2019. Mais il existe d’autres moyens de circuler, bien que plus contraignants.  

LE CONTEXTE

Le Brexit va avoir des conséquences directes sur les relations commerciales entre le Royaume-Uni et ses anciens partenaires de l’Union européenne (UE). Hervé Morin est le président de la Normandie, une région qui va devoir s’adapter. Dans la matinale du 21 janvier 2019 sur Public Sénat, il a dit à plusieurs reprises que les « Français vont découvrir à quel point l’UE a des vertus en facilitant les échanges ». Pour expliciter son propos, le président des régions de France a donné un exemple : « Il y a un système de licence pour pouvoir être chauffeur poids-lourds. Quand vous êtes Français et que vous traverserez le transmanche, vous serez obligés de donner les clefs de votre camion car vous n’aurez pas le droit de circuler sur les routes d’Angleterre ». Pour l’heure, cette affirmation est imprécise.

 

L’EXPLICATION

Après le rejet, le 15 janvier, par les députés britanniques de l’accord entre l’UE et la Première ministre conservatrice Theresa May, la Commission européenne a publié le 19 janvier un document qui précise ce qui va se produire sur le transport routier en cas de sortie du Royaume-Uni de l’UE sans accord. Intitulé « Retrait du Royaume-Uni et des règles de l’UE dans le domaine des routes », le rapport explique que « les transports internationaux sont soumis à une licence ». Pour circuler à travers l’Union européenne, « les conducteurs de poids-lourds doivent être titulaires d’un certificat professionnel délivrée par les autorités d’un État membre de l’UE ».

Toujours selon le document de la Commission européenne, avec le Brexit, « les certificats d’aptitude professionnelle ne seront plus valables car tous les titres et documents issus de la réglementation européenne n’auront plus de base légale sur le territoire du Royaume-Uni », dès que ce dernier quittera l’Union européenne. Ainsi, les conducteurs poids-lourds français ne pourront plus circuler sur les routes britanniques avec leurs licences européennes.

Le 29 novembre 2018, le ministère de la Transition écologique et solidaire avait déjà alerté sur le sujet. Dans la publication, « Les réponses à vos interrogations sur les impacts du Brexit sur le transport routier », le ministère avait déclaré qu’« à partir du 30 mars 2019, une entreprise française (ou européenne) n’aura plus accès au marché de transport routier britannique ».

A près de deux mois du retrait du Royaume-Uni de l’UE, les firmes de transport s’inquiètent de plus en plus. Elles peuvent néanmoins passer par un système qui permet aux chauffeurs-routiers de circuler en présentant une des autorisations de la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT). La publication du ministère de la Transition écologique et solidaire rappelait qu’« une autorisation CEMT peut en principe autoriser l’accès au marché britannique, le Royaume-Uni et la France étant tous deux membres ».

Mais les autorisations CEMT sont très contraignantes. En effet, ces dernières ne sont utilisables qu’une année et ne portent que sur un nombre plafonné de voyages. En plus, une autorisation est à remplir et à fournir avant chaque voyage. Bien que valables, ces autorisations sont loin d’être idéales pour un transport routier régulier.

Pour conclure, Hervé Morin exagère en laissant entendre que les conducteurs poids lourds français n’auront pas le droit de circuler sur les routes britanniques. Dans la perspective d’un Brexit sans accord, le transport routier entre la France et le Royaume-Uni va être beaucoup plus compliqué, mais pas impossible.

Romain Pichon

Les sources à consulter