N’importe qui, sans avoir fait le moindre effort d’assimilation, peut obtenir la nationalité française

30 Mar 2018

 

NICOLAS BAY

« N’importe qui, sans avoir fait le moindre effort d’assimilation, peut obtenir la nationalité française »

Le débat autour du droit du sol et de la naturalisation refait surface à la suite de l’attaque terroriste perpétrée dans le Super U de Trèbes, le 23 mars 2018. Le vice-président du Front national l’assure : la nationalité française peut s’obtenir sans le moindre effort d’assimilation. C’est faux, notamment au vu de la loi du 26 novembre 2003 et des circulaires du 24 août et du 30 novembre 2011.

LE CONTEXTE

Nicolas Bay, vice-président du Front national, était l’invité du journaliste Gérard Leclerc sur le plateau de Cnews, lundi 26 mars 2018. Interrogé sur l’attaque terroriste de Trèbes qui a causée la mort de quatre personnes, dont le lieutenant-colonel Beltrame, le 23 mars 2018, Nicolas Bay a affirmé que cet événement était la preuve de « la défaillance de l’État à tous les étages » et notamment « du laxisme dans l’octroi de la nationalité française ». Pour le député européen frontiste, l’assaillant a justement « bénéficié de la naturalisation ». Première imprécision, puisque, comme le rappelle Gérard Leclerc, le terroriste a eu la nationalité française « automatiquement » par le droit du sol. Nicolas Bay poursuit : « Oui en l’occurrence, mais cela pose le problème du code de la nationalité (…) Aujourd’hui, [il est] extrêmement avantageux. N’importe qui, sans avoir fait le moindre effort d’assimilation, peut obtenir la nationalité française; et ceux qui naissent en France en bénéficient automatiquement. »

Le 1er février 2018, Nicolas Bay avait déjà tenu des propos similaires lors d’une interview pour L’Opinion : « [Les déboutés du droit d’asile qui ne sont pas expulsés] ont la certitude d’être tôt ou tard régularisés, puis tôt ou tard naturalisés sans jamais avoir besoin de faire le moindre effort d’assimilation ».

L’EXPLICATION

Pour devenir français, il existe plusieurs droits et procédures prévus par la loi. Ils sont relayés sur les plateformes service-public.fr, le site officiel de l’administration française, et vie-publique.fr, un second site géré par la Direction de l’information légale et administrative. Une personne peut acquérir la nationalité française par :

  • Le droit du sang : un enfant est français quand au moins l’un de ses deux parents l’est aussi ;
  • Le droit du sol : il se divise en deux branches. Il y a d’abord le « double droit du sol », c’est-à-dire qu’un enfant né en France est français de naissance si l’un de ses parents étrangers est lui-même né dans l’Hexagone. Il existe également le « droit du sol simple différé ». Un enfant né en France d’un père et d’une mère étrangers nés en dehors du territoire français obtient « automatiquement et de plein droit la nationalité française à sa majorité s’il réside en France à cette date ». Il doit justifier d’un lieu de résidence habituel dans le pays pour une « période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans ». Par ailleurs, un mineur peut obtenir la nationalité française avant sa majorité, sur demande de ses parents (entre 13 et 16 ans), ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans). L’administration porte toujours un regard attentif sur la durée de résidence en France ;
  • La déclaration de nationalité par mariage : cette procédure est effective depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et l’intégration. Un étranger marié à un Français depuis quatre ans peut bénéficier de la nationalité. Il faut néanmoins justifier  « d’une communauté de vie affective et matérielle réelle », « être en séjour régulier en France », « avoir un niveau de connaissance de la langue française suffisant » et « ne doit pas avoir subi de condamnation pénale pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, ni avoir été condamné à une peine d’au moins six mois de prison sans sursis » ;
  • La déclaration de nationalité par un ascendant : elle concerne toutes les personnes de plus de 65 ans, résidant de manière régulière et habituelle depuis plus de vingt-cinq ans en France. Il faut prouver être l’ascendant direct (parent ou grand-parent) d’un Français ;
  • La déclaration de nationalité par un frère ou une sœur de Français : elle vaut pour les frères et sœurs de Français, majeurs et nés à l’étranger. Il est demandé pour obtenir la nationalité d’habiter de manière habituelle depuis l’âge de 6 ans en France et d’y avoir suivi sa scolarité dans un établissement soumis au contrôle de l’État ;
  • La réintégration : cette procédure permet aux personnes qui ont été un jour françaises et qui ont perdu leur nationalité (par exemple en se mariant avec un étranger dont le pays refuse la double nationalité) de la retrouver. Quand la réintégration se fait par décret, le demandeur doit prouver sa nationalité française antérieure, son assimilation à la communauté française et ne doit pas avoir fait l’objet de condamnations pénales ;
  • La naturalisation : un étranger majeur peut directement demander à obtenir la nationalité française s’il ne répond pas aux cas de figure précédents (voir les conditions plus bas dans l’article).

La naturalisation n’est pas automatique et est difficile à obtenir. Le site service-public.fr précise d’ailleurs que l’administration peut refuser la naturalisation, « même si les conditions sont réunies ». Il existe six conditions cumulatives :

  • Etre majeur. Toutefois, des mineurs étrangers peuvent aussi être naturalisés à partir du moment où ils vivent en France de « manière habituelle » avec l’un de leurs deux parents ;
  • Disposer d’un titre de séjour au moment du dépôt de la demande ;
  • Résider depuis cinq ans en France (cette durée peut être réduite à deux ans si la personne a réussi deux années d’étude dans un établissement d’enseignement supérieur ou si elle a rendu des « services importants à la France »). Par « résider », l’administration sous-entend qu’une personne étrangère doit « avoir en France le centre de [ses] intérêts matériels (notamment professionnels) et de [ses] liens familiaux ». Par conséquent, si un demandeur habite en France mais que son époux(se) ou ses enfants vivent à l’étranger, la nationalité peut lui être refusée ;
  • L’insertion professionnelle et l’ensemble de la carrière professionnelle du demandeur sont regardés attentivement par l’administration puisqu’elle est la preuve d’une assimilation et d’une intégration au pays. Grâce à son activité, le demandeur doit disposer de « ressources stables et suffisantes » ;
  • Depuis la loi du 26 novembre 2003, un demandeur doit prouver son « assimilation à la communauté française » lors d’un entretien individuel avec un agent de la préfecture ou du consulat. Le niveau de langue, la bonne connaissance des droits et devoirs du citoyen français et des principes et valeurs de la République sont vérifiés. A l’issue de l’entretien, la signature de la charte des droits et des devoirs du citoyen français est obligatoire. Deux circulaires, celles du 24 août et du 30 novembre 2011, détaillent le contrôle de l’assimilation  ;
  • Le casier judiciaire du demandeur, aussi bien en France qu’à l’étranger, est inspecté par l’administration. « Les condamnations pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » sont un frein à l’acquisition de la nationalité, tout comme « un acte de terrorisme ou une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois de prison sans sursis ». Le demandeur doit aussi justifier d’un bon comportement civique (paiement des impôts par exemple), vérifié par une enquête préfectorale.

Nicolas Bay a donc tort. Le principe d’assimilation est mis en avant dans la procédure de naturalisation. C’est aussi un critère important pour  les déclarations de nationalité française par mariage et par réintégration. En ce qui concerne le droit du sol, il est bien accordé automatiquement même s’il faut répondre à certains critères de résidence. Le vice-président du Front national ne peut donc pas dire que « n’importe qui, sans le moindre effort d’assimilation, peut obtenir la nationalité française ». D’ailleurs, d’après des chiffres du ministère de l’Intérieur confirmés par mail, en 2017, 28 % des demandes de naturalisation ont été refusées. Un taux stable depuis 2016 mais en baisse par rapport à 2015 (33 %) et 2014 (37 %)

Laure Le Fur

Les sources à consulter

  • Service public, « Acquisition de la nationalité française »

  • Service public, « Naturalisation : conditions à remplir »
  • Vie publique, « Comment devient-on citoyen français ? »
  • Ministère de l’Intérieur, «  La charte des droits et devoirs du citoyen français »
  • Ministère de l’Intérieur, « Circulaire relative au niveau de connaissance de la langue française requis des postulants à la nationalité française »
  • Ministère de l’Intérieur, « Circulaire relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française »
  • Légifrance, « Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité »