On est en train de fermer des classes dans la ruralité de manière massive. Il y a même des villes en France qui gagnent encore des élèves. Et pourtant, on leur retire des classes.

20 Mar 2018

 

FLORIAN PHILIPPOT

« On est en train de fermer des classes dans la ruralité de manière massive. Il y a même des villes en France qui gagnent encore des élèves. Et pourtant, on leur retire des classes. »

Florian Philippot, le président des Patriotes, affirme qu’il y a en France des fermetures de classes “massives” dans les zones rurales. Et que, plus généralement, des classes ferment « dans des villes qui gagnent encore des élèves ». Ce qui est imprécis. L’ex-numéro 2 du Front national oublie de mentionner que ces fermetures sont systématiquement accompagnées par des ouvertures, dans le cadre des décisions annuelles à propos des cartes scolaires.

LE CONTEXTE

Florian Philippot était l’invité de « Territoires d’infos » sur Public Sénat, vendredi 16 février 2018. Interrogé sur la réforme du baccalauréat, présentée deux jours plus tôt par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, l’ancien bras droit de Marine Le Pen a affirmé que cette mesure est un « nivellement total par le bas. On est en train de fermer des classes dans la ruralité de manière massive. Il y a même des villes en France qui gagnent encore des élèves, ce qui est rare aujourd’hui. Et pourtant, on leur retire des classes.  ».

L’EXPLICATION

C’était une promesse de campagne du président de la République, Emmanuel Macron : le dédoublement des classes de CP et CE1, avec pour objectif de réduire à 12 élèves maximum ces classes dans les écoles des quartiers défavorisés. C’est en ce sens que Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, a annoncé, le 26 juin 2017, que sur les 3881 créations de postes prévues à la rentrée 2018, 2 500 seraient affectées au dédoublement de classes de CP dans les quartiers les plus défavorisés. Une réforme qui ne fait pas que des heureux. Ce dédoublement de classes entraîne, selon les syndicats, des créations, mais aussi des fermetures de classes. Depuis un mois, les manifestations se multiplient en France.

Le 17 juillet 2017, lors de la première conférence des territoires, au Sénat, le président de la République, Emmanuel Macron, avait pourtant affirmé : « Les zones rurales ne doivent plus servir de variables d’ajustement », promettant « qu’il n’y aurait plus aucune fermeture de classe en zone rurale. » La réalité est différente. La carte scolaire de la rentrée de septembre 2018, en discussion ou déjà actée, prévoit, dans chacun des départements métropolitains, des ouvertures et des fermetures de classes, voire d’écoles.

Comme le montre les deux cartes ci-dessous, si de nombreuses fermetures de classes sont en effet prévues, comme l’affirme Florian Philippot, ces décisions sont systématiquement accompagnées par des ouvertures, ce qu’oublie de mentionner le président des Patriotes. Ainsi, par exemple, dans la Creuse, en septembre 2018, 11 classes seront ouvertes, et autant seront fermées.

Ces deux cartes seront actualisées en fonction des décisions prises dans chaque département.

Les fermetures de classes prévues sont-elles une conséquence de ce dédoublement des classes de CP et CE1 voulu par le gouvernement, comme l’affirme le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, affilié à la FSU (SNUipp-FSU) ? Contacté par FactoScope, le ministère de l’Éducation réfute cet argument, rappelant que ces fermetures et ouvertures de classes entrent dans le cadre de la carte scolaire, « un rendez-vous annuel sur les moyens donnés à l’éducation pour la rentrée suivante, qui n’est pas spécifique à cette année 2018 », infirmant ainsi la théorie de Florian Philippot d’une vague de fermetures de classes soudaine en France. Le ministère se défend en expliquant que, malgré un nombre d’élèves en baisse dans le premier degré à la rentrée 2018 (32 657 en moins), 3 881 postes d’enseignants seront créés. Ainsi, le nombre de professeurs pour 100 élèves sera plus élevé en 2018 (5,55) qu’en 2017 (5,46).

Néanmoins, le ministère de l’Education a reconnu, selon l’AFP, le 15 mars 2018, qu’il y a plus de fermetures que d’ouvertures dans la ruralité. Selon ses estimations, les 45 départements les plus ruraux enregistrent pour le moment, pour la rentrée 2018, 783 ouvertures contre 990 fermetures, soit 207 fermetures en solde net.

Sur Public Sénat, le fondateur des Patriotes précise par ailleurs que des fermetures de classes sont prévues y compris dans des villes qui « gagnent encore des élèves ». Contacté par FactoScope, l’ex-bras droit de Marine Le Pen se justifie en citant l’exemple de Villejuif (Val-de-Marne) qui, comme l’affirme à juste titre ce reportage de France Info réalisé dans plusieurs communes du département et dévoilé le 13 février 2018, devrait perdre dix classes en septembre 2018, alors que « les projections de la municipalité prévoient 100 élèves de plus sur l’ensemble de la commune », affirme Chloé Terrier, représentante de parents d’élèves, dans ce reportage.

Là encore, c’est imprécis. Florian Philippot omet de préciser que dans le même temps, six ouvertures de classes sont prévues dans la commune. D’ailleurs, le conseil départemental de l’Education nationale (CDEN) qui se tenait le 16 février 2018, quelques heures seulement après l’interview de Florian Philippot sur Public Sénat, a ramené à sept le nombre de fermetures de classes dans son projet définitif de carte scolaire.

Les propos de Florian Philippot sont donc imprécis. Si de nombreuses fermetures de classes sont bien prévues dans tous les départements de France métropolitaine où la carte scolaire est actée, y compris dans les zones rurales, il y a aussi des ouvertures, dans le cadre des décisions annuelles à propos des cartes scolaires.

Alexandre Mazel

Les sources à consulter

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