Quand vous êtes Afghan, vous avez beaucoup plus de chances d’obtenir l’asile en France qu’en Allemagne

1 Fév 2019

 

BENJAMIN GRIVEAUX

« Quand vous êtes Afghan, vous avez beaucoup plus de chances d’obtenir l’asile en France qu’en Allemagne »

Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, a affirmé que lorsque vous êtes Afghan, vous avez beaucoup plus de chances d’obtenir l’asile en France qu’en Allemagne. Selon les chiffres d’Eurostat, cette affirmation est vraie. Le taux de demandes d’asile acceptées, réalisées par des Afghans, est plus élevé en France qu’en Allemagne.

LE CONTEXTE

Sur le plateau du Grand Rendez-vous, le 20 janvier 2019, Benjamin Griveaux était invité à réagir sur le thème de l’immigration et plus précisément sur la possibilité d’instaurer un objectif annuel chiffré à ne pas dépasser pour les demandes d’asile, qui serait fixé par le Parlement. Ce sujet fait partie des axes de réflexion abordés par le président de la République dans sa Lettre aux Français. Le porte-parole du gouvernement a alors déclaré qu’il serait plus pertinent de proposer des objectifs chiffrés à l’échelle européenne, qu’au niveau national, tant les règles pour obtenir l’asile étaient différentes dans chaque pays de l’Union européenne (UE). Il a ensuite pris un exemple précis et a affirmé : « Quand vous êtes Afghan, vous avez beaucoup plus de chances d’obtenir l’asile en France qu’en Allemagne. » D’un point de vue purement statistique, cette affirmation est vraie.

L’EXPLICATION

D’après les données consultables sur le site d’Eurostat, organisme chargé de réaliser les statistiques officielles de l’UE, 109 730 ressortissants afghans ont déposé une demande d’asile en Allemagne, en 2017. Parmi eux, 57 045 ont reçu une réponse positive, en comptabilisant les premières instances et les recours. Cela signifie qu’environ 52 % des demandes ont abouti. De son côté, la France a enregistré 7 515 demandes d’asile de migrants afghans en 2017. Sur celles-ci, 6 315 ont été acceptées, ce qui correspond à un taux d’environ 84 %. Si l’on se fie exclusivement à l’aspect mathématique, un Afghan a plus de chances de voir sa demande d’asile aboutir en France qu’en Allemagne.

Pour Benjamin Griveaux, l’explication viendrait d’une différence de règles pour obtenir l’asile, en France et en Allemagne. Cette affirmation est plus difficile à vérifier. Si on se penche de plus près sur les deux systèmes, français et allemand, de traitement des demandes d’asile, on remarque quelques similarités.

Tout d’abord, en France comme en Allemagne, le droit d’asile découle en partie de la convention de Genève, signée le 28 juillet 1951, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les deux pays ont ratifié cette convention. Cette dernière définit un réfugié comme « toute personne (…) qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays… ». De ce fait, on peut considérer que les deux voisins se basent sur les mêmes critères pour définir le statut de réfugié et ainsi accorder le droit d’asile.

Des procédures de demande d’asile similaires

Les différentes étapes qui composent la procédure de demande d’asile, en France et Allemagne, semblent elles aussi similaires. En effet, dans les deux pays, la demande est dans un premier temps pré-enregistrée. Le demandeur d’asile est ensuite informé du type de procédure qui lui est attribué. Par exemple, si son cas relève du règlement de Dublin, c’est-à-dire qu’il a déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays de l’UE, il doit alors y retourner. Sa demande sera alors traitée dans ce pays. Ensuite, le demandeur d’asile passe un entretien durant laquelle il explique notamment les raisons pour lesquelles il a fui son pays. C’est après cette étape, que la décision est connue. Le demandeur d’asile peut faire appel. Son dossier sera alors étudié une nouvelle fois.

Enfin, la liste des pays sûrs des deux pays diffère. De son côté, l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF), qui dépend du ministère de l’Intérieur allemand et est chargé de traiter les demandes d’asile, en dénombre 8, en plus des États membres de l’UE : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Ghana, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro, le Sénégal et la Serbie. En France, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui est chargé de dresser cette liste. Elle compte actuellement 16 pays : l’Albanie, l’Arménie, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Géorgie, le Ghana, l’Inde, la Macédoine, la République de Maurice, la Moldavie, la Mongolie, la République du Monténégro, le Sénégal, la Serbie, le Kosovo. Ni l’Allemagne, ni la France ne considère l’Afghanistan comme un pays sûr. Selon la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d’asile, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie, de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Être considéré comme un pays sûr amoindrit fortement la chance des ressortissants de ce pays d’obtenir le droit d’asile. La différence du taux d’acceptation des demandes d’asile des ressortissants afghans, en France et Allemagne, ne vient pas de ce côté-là.

Une différence de traitement selon les Lander

L’une des explications, ou du moins une piste de réflexion, se trouve dans une étude publiée par l’université de Constance (Allemagne), en janvier 2017. Réalisée par Lisa Riedel et Gerard Schneider, elle démontre une forte différence de traitement des demandes d’asile selon les Lander (l’équivalent des régions en France). En effet, entre 2010 et 2015, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 34,4 % des demandes déposées par des Afghans ont abouti, alors que ce même taux avoisine seulement les 10 % dans le Land de Brandebourg. Même si les demandes se font sous la responsabilité du BAMF, ce sont souvent ses antennes locales qui ont le dernier mot. Les deux auteurs pointent également un sentiment local, à l’égard des réfugiés, différent selon les Land. Plus il y a d’attaques à caractère xénophobe dans un Land, plus le nombre de refus des demandes d’asile y est élevé.

Ewen Renou

Les sources à consulter