(Photo : L’acteur Rami Malek a reçu le Bafta du meilleur acteur pour son rôle de Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody. Crédit : Ben STANSALL / AFP)
En 2019, les Césars britanniques sont devenus la première cérémonie de cinéma à instaurer une liste de critères concernant la diversité dans les films nommés. Pour être en course pour le BAFTA du meilleur premier film ou du meilleur film britannique, il fallait respecter cette liste dans la composition du casting et de l’équipe technique.
La Cérémonie des British Academy Films Awards est organisée par la British Academy of Film and Television Arts (BAFTAS) depuis 1949. En 1958, l’Académie fusionne avec la guilde des réalisateurs et producteurs de télévision pour récompenser le meilleur du grand et du petit écran. La plupart des nommés sont issus de l’industrie d’Hollywood et du cinéma britannique. L’Académie britannique se compose de 7 500 membres, mais seulement 6 500 peuvent voter. Le public désigne le lauréat du BAFTA du meilleur espoir (EE Rising Star Award).
Les BAFTAS sont peu médiatisés en France, pourtant il s’agit de la dernière cérémonie avant les Oscars. A l’origine, la cérémonie se déroulait au printemps, soit plusieurs mois après les Oscars. Mais à partir de 2001, la cérémonie a été avancée et a maintenant lieu une quinzaine de jours avant les Oscars.
En 2016, les BAFTAS ont annoncé que dès 2019, la diversité du pays devra être mise en avant dans deux catégories. Pour pouvoir avoir un film nommé dans la catégorie de meilleur film ou meilleur film britannique, il faudra faire un effort pour promouvoir la diversité au risque de se voir exclu d’une nomination. Le terme diversité est entendu dans son sens large, c’est à dire pour une représentation de personnes issues des minorités ethniques, de femmes, de personnes handicapées, LGBT et issues de milieux socio-économiques modestes. À noter qu’en 2016, la grande sœur américaine des BAFTAS, les Oscars faisait face à une polémique concernant la diversité. Le mouvement Oscars so white avait fait son apparition pour la deuxième année consécutive afin d’attirer l’attention sur le manque de diversité au sein des nommés, toutes catégories confondues. Sur ce plan-là, les BAFTAS se démarquent des Oscars. En 2016 déjà l’académie britannique avait accueilli 18% de minorités ethniques et 43% de femmes parmi ses 375 nouveaux membres.
La 72e cérémonie des BAFTAS a eu lieu dimanche 10 février 2019 à Londres et était présentée par l’actrice britannique Joanna Lumley, pour la deuxième année consécutive. Ces critères ont-ils été respectés au sein des nommés ? Et cela s’est-il vu jusque dans les films récompensés ?
Globalement, les critères sont respectés dans les deux catégories concernées, au moins en ce qui concerne le casting, le réalisateur et le thème du film.
Pour la catégorie meilleur film, on remarque que seulement des hommes sont nommés. On retrouve le réalisateur Afro-Américain Spike Lee avec BlacKkKlansman. Le film s’inspire de l’histoire vraie du policier Ron Stallworth qui s’est infiltré dans le Ku Klux Klan. A travers ce récit, Spike Lee dénonce le racisme qui sévit aux Etats-Unis. Le réalisateur Grec Yorgos Lanthimos était lui nommé pour La Favorite. Il met en scène trois femmes dans les rôles principaux. Deux de ces femmes s’affrontent pour leurs propres intérêts afin que l’une d’entre elle devienne la favorite de la reine. L’Américain Peter Farrelly était nommé pour Green Book malgré les polémiques autour du film. L’adaptation de cette histoire vraie de l’amitié entre le pianiste Don Shirley (Mahershala Ali) et son chauffeur Tony Lip (Viggo Mortensen) serait ponctuée d’inexactitudes selon les proches du musicien. Il n’empêche que le film semble remplir les critères puisqu’il nous emmène sur les routes de l’Amérique raciste des années 60. Un autre Américain faisait partie des nommés : Bradley Cooper avec A Star is Born. A première vu, il ne semble pas forcément rentrer dans les critères, mais le film aborde sans tabou le sujet de l’auto-destruction des artistes. Un sujet souvent peu représenté au cinéma, où la vie d’artiste est idéalisée aussi bien sur grand écran que dans les consciences collectives. Le grand gagnant de cette catégorie, le Mexicain Aflonso Cuaron, remplit plusieurs critères avec Roma. L’actrice mexicaine Yalitza Aparicio, interprète une domestique indigène chez une famille de classe moyenne.
Discours d’acceptation d’Alfonso Cuarón pour Roma.
Concernant les nommés pour le meilleur film britannique, Jersey Affair de Michael Pearce traite de la maladie d’Alzeihmer et donne une place importante à ses rôles féminins. Le biopic sur le groupe britannique Queen, Bohemian Rhapsody correspond lui aussi à plusieurs critères. Le film aborde l’homosexualité du chanteur Freddie Mercury et -très brièvement- la discrimination qu’il a pu subir avec ses origines pakistanaises. De plus, l’acteur qui interprète Freddie Mercury, Rami Malek, est fils d’immigrants égyptiens. Il représente une minorité, ce qui est valorisé par les BAFTAS. Un autre biopic figure parmi les nommés, Stan et Ollie. Celui-ci ne semble pas rentrer dans les critères. Il retrace une partie de la carrière du duo comique Laurel et Hardy. Le documentaire McQueen de Ian Bonhote, relate la vie du créateur de mode Alexander McQueen, ouvertement homosexuel et issu d’un milieu modeste. Il semble répondre pour sa part aux exigences des BAFTAS. Le thriller A beautiful day respecte au moins l’un des critères puisqu’il a été réalisé par une femme, Lynne Ramsay, également scénariste du film. La Favorite colle aux nouvelles attentes des BAFTAS avec son casting au trio féminin, où tous les coups sont permis pour se rapprocher du pouvoir. Aussi nommé pour le meilleur film, La Favorite a finalement remporté le BAFTA du meilleur film britannique.
Le réalisateur Grec Yorgos Lanthimos, recevant son Bafta du meilleur film britannique pour La Favorite. « Je voudrai bien évidemment remercier les trois actrices principales, dont je suis très fière. »
Les films nommés semblent en partie respecter au moins un des critères pour mettre en valeur les minorités ethniques, les femmes, les personnes issues de milieux modestes ou handicapées. Les deux films récompensés dans la catégorie meilleur film et meilleur film britannique ont respecté plusieurs de ces obligations et sont le reflet de cette volonté de valoriser les minorités. Néanmoins les critères restent très évasifs, de telle sorte que peu de films ratent la possibilité d’être nommés. De plus, on peut se questionner sur la possibilité d’étendre la mise en avant de la diversité aux autres catégories de la compétition. Il est encore trop tôt pour savoir si les nouvelles attentes de la BAFTA (l’académie) influenceront le scénario, le casting ou la composition des équipes techniques des prochains films à l’affiche.