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(Photo : le président des États-Unis, Donald Trump, salue Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, avant de tenir son discours sur l’état de l’Union devant le Congrès le 5 février 2019. Crédit : Doug Mills / POOL / AFP.)

Obstiné dans sa volonté de respecter ses engagements de campagne, Donald Trump n’en fait qu’à sa tête. Sur la scène internationale, il semble pouvoir à lui seul faire chavirer les équilibres mondiaux. Pourtant, sur la scène intérieure, son autorité est mise à rude épreuve par le pouvoir parlementaire. Déjà limité par la Constitution, le pouvoir de Donald Trump l’est encore plus depuis que la Chambre des Représentants a basculé du côté des Démocrates, lors des élections de mi-mandat de novembre 2018.

La séparation des pouvoirs aux États-Unis

La Constitution des États-Unis, datée de 1787, vise à équilibrer les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. On parle d’une stricte séparation des pouvoirs. Le président détient le pouvoir exécutif, le Congrès le pouvoir législatif, et la Cour suprême le pouvoir judiciaire. Il s’agit d’un régime présidentiel car le président est à la fois le chef de l’État et le chef de l’exécutif.

Les pouvoirs du président des États-Unis

En tant que chef d’État, le président des États-Unis est le chef des armées et le chef de la diplomatie. Il  rencontre les chefs d’État étrangers et conclut les traités internationaux. Ces derniers doivent être ratifiés par le congrès. Il a aussi le droit de grâce pour les crimes fédéraux. Il peut gracier, commuer des sentences, ou proclamer une amnistie.

En tant que chef du gouvernement, le président états-unien dirige l’Administration (le gouvernement). Avec le consentement du Sénat, il nomme les secrétaires à la tête des départements fédéraux (équivalent des ministres). Il est responsable de l’exécution des lois votées par le Congrès.

Si une loi votée par le Congrès ne lui convient pas, il peut y opposer son droit de veto. Le Congrès peut passer outre le veto si les deux chambres rassemblent chacune les deux tiers des voix pour le rejeter. Contrairement au président français, le président des États-Unis ne peut pas dissoudre le Congrès.

Le président des États-Unis peut prendre des décrets présidentiels, appelés “executive orders”. Ces derniers ont effet de loi et permettent donc au président de contourner le Congrès.

Le Congrès peut voter une loi pour annuler un décret du président, mais c’est une procédure longue et compliquée car il faut l’accord conjoint du Sénat et de la Chambre des Représentants. Pour freiner l’application d’un décret, le Congrès peut agir de manière plus détournée en refusant de fournir le financement nécessaire à son exécution, comme nous le verrons plus bas avec l’exemple du shutdown.

Le Congrès, un parlement puissant

Le Congrès est composé du Sénat, la chambre haute, et de la Chambre des Représentants, la chambre basse. Pour qu’une loi soit votée, il faut l’approbation des deux chambres. Le Congrès vote le budget, l’impôt, la déclaration de guerre et ratifie les traités.

La Chambre des représentants

  • représente les citoyens des États-Unis
  • est composée de 435 représentants (le nombre de représentants est proportionnel au poids démographique de chaque État)
  • vote les lois fédérales avec le Sénat
  • est a l’initiative du budget.
  • les représentants sont élus tous les 2 ans, au moment de l’élection présidentielle et lors des Midterms.

Le Sénat

  • représente les États fédérés
  • est composé de 100 sénateurs (deux par État)
  • vote les lois fédérales avec la Chambre des représentants
  • valide les nominations faites par le président : secrétaires à la tête des départements fédéraux (ministres), juges fédéraux, juges de la Cour suprême, etc.
  • ratifie les traités
  • les sénateurs sont élus pour six ans (un tiers du sénat est renouvelé tous les deux ans, au moment de l’élection présidentielle et au moment des Midterms)

La Cour suprême

La Cour suprême a été pensée par les pères fondateurs des États-Unis comme un rempart contre la violation des droits fondamentaux du citoyen. Elle exerce un contrôle de constitutionnalité a posteriori (après que la loi a été votée). La Cour peut, par un vote à la majorité, bloquer sans possibilité d’appel une loi votée par l’un des cinquante États ou par le gouvernement fédéral. Elle est constituée de neuf juges nommés à vie. Depuis la nomination de Brett Kavanaugh, les juges dits conservateurs sont au nombre de cinq, contre quatre dits progressistes.

Les contre-pouvoirs du président

 

Au Congrès, les députés et les sénateurs peuvent bloquer la politique du président en refusant de voter le budget, dont ils détiennent la prérogative. Un bon exemple est celui du shutdown survenu entre le 22 décembre 2018 et le 25 janvier 2019.

Quelques jours après son investiture, le président Trump avait signé un décret pour construire un mur à la frontière avec le Mexique. Donald Trump exigeait d’inclure dans le budget 2019 une enveloppe de 5 milliards de dollars consacrée à la construction du mur. En fin d’année, la Chambre des Représentants – alors dominée par les Républicains – avait approuvé le financement du mur. Mais c’est au Sénat que ça a bloqué. Les républicains y sont majoritaires, mais leur nombre ne leur permettait pas d’atteindre la majorité qualifiée de 60 sièges nécessaire pour faire passer le budget.

En l’absence d’un accord avec les sénateurs démocrates, une partie des agences qui relèvent de l’Etat fédéral n’étaient plus financées : c’est le shutdown. 800 000 fonctionnaires américains ont été privés de salaire ou contraints au chômage forcé. Le 3 janvier 2019, les représentants et sénateurs élus lors des Midterms (les élections de mi-mandat) de novembre 2018 sont entrés en fonction. Le Sénat reste républicain mais le Chambre des représentants tombe aux mains des démocrates. C’est avec ces derniers que Trump a dû négocier la fin du shutdown.

 

 

Pour différer le vote d’une loi, un groupe de sénateurs peut se servir de la flibuste, ou filibuster en anglais. La flibuste est une manœuvre parlementaire qui permet à un groupe de sénateurs d’accaparer la tribune, empêchant ainsi la proposition de loi à l’étude d’être soumise au vote. Pour y mettre fin, il faut que 60 sénateurs conviennent qu’il est temps d’arrêter de parler et de voter. La flibuste revient à imposer au Sénat une sorte de super-majorité de 60 voix au lieu de 51 pour adopter un texte de loi.

Cette arme législative est régulièrement utilisée par les sénateurs de l’opposition. La seule menace de recourir au filibuster suffit même à faire reculer le parti majoritaire. Ce dernier ne prend même plus la peine de proposer une loi s’il sait qu’il ne peut pas compter sur un nombre suffisant de sénateurs pour déjouer cette manœuvre.

En juillet 2017, Donald Trump avait exigé d’abolir la flibuste mais McConnell, chef des Républicains au Sénat, s’y était opposé. Il craignait que les républicains ne soient dépossédés d’un outil d’obstruction au cas où ils perdraient leur majorité.

 

Malgré les outrances de son candidat, le parti Républicain fait majoritairement bloc autour du président. Pourtant, Trump sait qu’il ne doit pas considérer leur adhésion comme acquise. En effet, les parlementaires n’ont pas de discipline de vote. Rien n’empêche un représentant de la majorité de voter contre un projet du président, s’il estime par exemple qu’il ne sert pas l’intérêt de son État.

En juillet 2017, la tentative de suppression de l’Obamacare par Donald Trump avait échoué au Sénat car trois Républicains avaient voté contre, dont l’ancien candidat à la présidentielle John McCain. Le président ne doit pas non plus abuser des décrets qui boycottent le travail législatif, au risque de froisser sa majorité parlementaire.

 

Maintenant qu’ils détiennent la majorité à la Chambre des représentants, les Démocrates ont les mains libres pour enquêter sur Donald Trump. En tant que parti majoritaire, le parti démocrate récupère les présidences des différentes commissions parlementaires. Grâce à elles, les démocrates peuvent décider du lancement d’enquêtes, par exemple sur les soupçons de collusion avec la Russie ou sur d’éventuelles tentatives d’obstruction de la justice. Une première enquête d’envergure a été lancée par la commission judiciaire de la Chambre des représentants le 4 mars 2019.

Les commissions chargées de la justice, du renseignement, de la perception des revenus de l’État seront les plus actives pour traquer la moindre dérive du président. Avant les Midterms, les Démocrates avaient annoncé vouloir obtenir les déclarations de revenus de Donald Trump, seul candidat à s’être refusé à les fournir. Maxine Waters, nommée à la présidence de la commission des services financiers, est maintenant en mesure de les exiger.

 

 

C’est une procédure qui permet de destituer un haut-fonctionnaire, dont le président. En droit constitutionnel, le président est américain est politiquement irresponsable, on ne peut donc pas le démettre de ses fonctions. En revanche, le Congrès peut mettre en cause la responsabilité pénale du président s’il est coupable de trahison, corruption, crime et délits.

La mise en accusation doit être votée à la majorité par la Chambre des représentants. Ensuite, un procès se tient au Sénat. Pour destituer le président, la décision de culpabilité doit être votée par deux tiers des sénateurs.

Si le menace d’une procédure d’impeachement contre Donald Trump a longtemps été brandie, la destitution du président est peu probable. Le Sénat étant dominé par les Républicains, les Démocrates ne vont pas risquer d’engager une procédure vouée à l’échec. La démarche serait finalement contre-productive et mobiliserait encore plus le camp Trump. En revanche, si l’enquête du procureur spécial Robert Mueller apportait de nouvelles preuves accablantes contre le président, le camp démocrate aurait de bons arguments pour convaincre les sénateurs républicains de faire aboutir la procédure la destitution.

 

 

 

Nommés par le président, les juges fédéraux ont le pouvoir de rendre des décisions en matière de droit fédéral. Répartis dans les cours fédérales de district et dans les cours d’appel fédérales, ils donnent du fil à retordre à Donald Trump. Le 4 février 2017, James Robart, juge fédéral de l’État de Washington nommé par George W. Bush, a bloqué le décret anti-immigration signé par Donald Trump. Ce dernier interdisait toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants du Yémen, d’Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et d’Irak. Retoqué, le texte avait finalement été validé par la Cour suprême.

La politique migratoire de Donald Trump a subi de nouveaux remous en novembre 2018. Le juge fédéral de San Francisco, Jon Tigar, a bloqué temporairement un décret du président américain visant à rejeter automatiquement les demandes d’asile déposées par des personnes ayant traversé illégalement la frontière.

 

Les États-Unis sont un pays fédéral où les pouvoirs locaux ont d’importantes compétences politiques. Les cinquante États qui composent le pays adoptent leurs propres lois, tant qu’elle ne sont pas contraires à la Constitution. Les gouverneurs peuvent donc prendre des mesures contraires à la volonté du président Trump, sur l’écologie notamment.

En réaction à la sortie des États-Unis des accords de Paris, 17 États ont fondé la United States Climate Alliance, l’Alliance pour le climat des États-Unis. Ensemble, ils se sont engagés à poursuivre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat.

La résistance opposée par les autorités locales à la politique écologique de Donald Trump rend les observateurs étonnamment optimistes. « Il y a des espoirs qu’indépendamment de la position du gouvernement, les États-Unis soient en mesure d’atteindre leurs engagements en tant que pays », avait déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en mars 2018.

Par ailleurs, plus de 350 maires réunis au sein du Mayors National Climate Action Agenda ont réaffirmé leur engagement pour lutter localement contre les émissions de gaz à effet de serre.

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