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Fiche d’actu réalisée par Adrien Briand, étudiant à l’e-médias Institut, l’école de journalisme d’Aix en Provence.

 

Le chiisme et le sunnisme sont les deux branches majoritaires de l’Islam. Elles sont apparues à la suite du schisme en 632, période au cours de laquelle les partisans de Mahomet se sont déchirés sa succession.

Les Sunnites (adeptes de la sunna, les règles de Dieu), subdivisés en 4 écoles, sont ultra-majoritaires et représentent environ 85% de la population musulmane. Les Chiites, quant à eux, n’en représentent que 15%. Ils sont majoritairement présents en Iran, à Bahreïn, en Irak et au Liban.

Les communautés pays par pays. En vert, les sunnites. En rouge, les chiites (CC-BY-SA-3.0-migrated - Baba66)

                                                            Sunnisme    Chiisme

Pourquoi cette différence ?

Le schisme, l’apparition de deux doctrines

A sa mort en 632, Mahomet n’a officiellement pas désigné de successeur. Dès lors, deux conceptions de l’Islam incarnées par deux candidats potentiels se font face. La première, celle d’un retour aux traditions tribales, est incarnée par Abou Bakr, compagnon de toujours du prophète.  La deuxième, plus attachée à la désignation d’un proche de Mahomet, voit en Ali, son gendre et fils spirituel, un candidat tout désigné. Soutenu par une majorité des musulmans, c’est pourtant Abou Bakr qui deviendra le premier calife et aura ainsi pour tâche de continuer la mission de Mahomet. Il gouvernera pendant deux années un territoire qui s’étend de l’Arabie à l’Egypte. Après sa mort en 634, deux autres califes lui succèderont : Omar et Othman.  Ce dernier en profite pour placer ses proches à des postes importants, mais cela ne suffira pas à empêcher un retour en force d’Ali.

Ali calife et la guerre de succession

S’estimant le successeur le plus digne de Mahomet, et souhaitant depuis toujours réunir tous les musulmans dans un Islam rigoureux, Ali défend une application stricte du Coran. Entre règles de succession (Ali souhaite en effet réduire aux seuls descendants de Mahomet la possibilité de devenir califes) et autres différences doctrinales, la ligne de démarcation est désormais claire entre les chiites (partisans d’Ali), et les sunnites majoritaires. S’en suit une guerre qui dura près de deux générations dans laquelle la haine entre Sunnites et Chiites s’enlisera et deviendra durable. Elle s’achève avec la défaite des Chiites en Irak, où le fils d’Ali est tué ainsi que son successeur, Hussein. Plusieurs tentatives ont été initiées dans les siècles qui ont suivi pour tenter d’apaiser les relations entre les deux communautés, en vain.

 

Ce qui change sur le plan théorique

Les sources juridiques de l’islam

Il existe trois sources communes :

  • Le Coran : Le texte fondateur
  • Le Sunna : La « loi immuable de Dieu », représentée par l’enseignement du prophète, qu’il s’agisse de ses dires ou de ses actes.
  • L’analogie : Principe auquel on a recours pour régler un problème de droit. Par exemple, si la consommation de vin est proscrite par le fait qu’il rende en état d’ébriété, alors toutes les boissons fermentées produisant cet effet le sont aussi.

Pourtant, il existe une source qui s’applique différemment selon qu’on est chiite ou sunnite :

  • Le consensus : Une réunion de savants qui définissent une solution de droit. Pour les sunnites, le consensus est établi par les oulémas (gardiens de la tradition musulmane), alors que les chiites considèrent qu’il ne peut être valable que s’il a été élaboré en compagnie de l’imam (guide de la prière).

Le rôle de l’imam et la hiérarchisation des clergés

Communément, il s’agit d’un savant dont le rôle est de diriger la prière.

  • Chez les sunnites, il n’y a pas d’intermédiaire entre le croyant et Allah, et l’imam n’a qu’un rôle de pasteur. Lors de la prière, il lit des passages du Coran et les commente.
  • Chez les Chiites, le clergé est très organisé et l’imam s’impose donc comme un guide indispensable de la communauté. La majorité des Chiites ne croient qu’en l’existence de douze imams, tous descendants du prophète, qui ont eu pour mission l’interprétation du Coran révélé par le prophète. Le premier d’entre eux est bien sûr Ali.

L’injure

Au delà du fait qu’à la déclaration de foi sunnite, à savoir « il n’y a de dieu que Dieu et Mohammed est son prophète », les chiites ajoutent « et Ali est l’ami de Dieu », il existe un phénomène qui représente un point profond de rupture entre les deux communautés : l’injure.

  • Chez les Chiites, il s’agit d’une pratique renouvelée d’excommunication des musulmans n’ayant pas soutenu Ali, et notamment Aicha, l’épouse du prophète, ainsi que des trois premiers califes.
  • Chez les Sunnites, toute injure envers le prophète ou un de ses compagnons doit faire l’objet d’une demande de pardon.

Sur le plan pratique

La prière

Les deux doctrines reconnaissent que la célébration de cinq prières est d’usage, bien que les chiites tolèrent que seulement trois soient faites. Lors des ces prières, ces derniers insistent sur leur appartenance à la communauté d’Ali.

L’achoura

Il s’agit d’une commémoration chiite envers le petit fils du prophète ainsi que du troisième Imam chiite Hussein, massacré par un calife sunnite. Symboliquement, elle représente donc la lutte contre les oppressions et les injustices. Lors de ce rite, les Chiites se flagellent à l’aide de chaînes et parfois d’épées. Par ce biais, ils expient les manquements de leurs ancêtres.

Les lieux saints et les pélerinages

La Mecque, lieu de naissance du prophète, est un lieu commun de pèlerinage. Les chiites quant à eux considèrent le mausolée d’Ali tout comme celui de son fils Hussein des lieux de pèlerinage supplémentaires.

 

Quels enjeux à l’heure actuelle ?

Cet antagonisme entre les deux idéologies participe aux conflits actuels de la péninsule arabique. Ces derniers ont connu une recrudescence avec plusieurs évènements marquants de la fin du XXe siècle.

1979 – La révolution en République Islamique d’Iran

En 1979, l’ayatollah Khomeini mène une révolution qui met fin à la monarchie sunnite. Inquiétés, les Sunnites, qui en Irak et à Bahreïn sont au pouvoir, se prononcent pour une invasion. Teintée d’intérêts économiques (l’Iran possède une importante réserve de pétrole), elle sera menée en 1980 par l’Irak de Saddam Hussein, durera 8 ans et fera près d’un million de morts sans pour autant changer les frontières des deux pays.

2005 – Entrée du Hezbollah au gouvernement libanais et victoire des Chiites aux législatives irakiennes

Le Hezbollah entre au gouvernement libanais avec 11% de voix aux élections législatives. Il obtient alors 1 ministère sur les 24 et compte 14 députés sur 128. Ainsi, la forte communauté chiite au Liban est représentée. La même année, cette dernière arrive en tête des législatives en Irak avec près de 50% des voix, succédant ainsi à Saddam Hussein, arrêté par les Etats-Unis en 2003.

Depuis 2011 – Le conflit syrien

Cristallisée dans l’opposition Iran-Arabie Saoudite, le conflit de la péninsule arabe s’étend par procuration en Syrie. Les alaouites, sectaires issus du chiisme, y sont au pouvoir. Les sunnites souhaitent déstabiliser le croissant chiite entre l’Iran, le hezbollah libanais et la Syrie de Bachar-el-Assad. C’est une véritable guerre froide qui est à l’œuvre, d’autant plus que les intérêts économiques liés aux importantes réserves de pétrole (les plus grandes au monde) ravivent les tensions. Elle est également justifiée par la crainte de l’obtention de l’arme nucléaire par l’Iran, qui serait dans ce cas le premier pays du golf à la détenir.

 

Fiche d’actu réalisée par Adrien Briand, étudiant à l’-médias Institut, l’école de journalisme d’Aix en Provence.

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