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Rentrée 2020 : option Covid-19

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Deux mois après une rentrée 2020 marquée par la Covid-19, l’incertitude domine toujours dans le milieu scolaire. Dans les écoles du premier degré, 6,6 millions d’élèves étudient désormais dans un contexte particulier marqué par les protocoles sanitaires, les interrogations des enseignants, et celles des parents d’élèves.

par Carla Bucero Lanzi et Antoine Comte

Le 12 mars 2020, Emmanuel Macron et son gouvernement prenaient la décision de fermer toutes les écoles, collèges, lycées et universités du pays. La raison : éviter l’aggravation d’une situation sanitaire déjà fortement dégradée.

Comme pour de nombreuses décisions prises durant la période de la Covid-19, le gouvernement tenait compte de l’avis des instances scientifiques pour justifier ses choix. Ainsi, c’est sous les avis du Conseil scientifique que les écoles ont rouvert le 22 juin en respectant un protocole strict (soumis à de nombreuses variations), rédigé par ce même Conseil.

La dernière évolution en date suit un nouvel avis du Haut Conseil de la santé publique ( une instance chargée d’apporter une aide à la décision au ministre de la Santé ). Mais derrière les arguments scientifiques, c’est la bonne marche économique du pays qui pointe le bout de son nez.

Nouvelle évolution du protocole sanitaire

Le 17 septembre, un communiqué du ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports annonçait qu’à partir du 22 septembre 2020, « lorsqu’un enfant sera confirmé cas positif à la Covid-19 dans une classe, la classe pourra désormais continuer de se tenir normalement pour les autres élèves, qui ne sont plus considérés comme cas contacts ».

Ainsi, ce n’est qu’à partir de trois cas positifs au sein d’une classe que les autres enfants bénéficient du suivi imposé à tout « cas contact ». Et attention, les trois cas ne doivent pas provenir de la même famille, sinon, on continue comme si de rien n’était.

Image par B Ban de Pixabay

Une décision qui a pris de court les enseignants. Depuis le 1er septembre, ils avaient pour consigne de donner l’alerte et fermer leur classe dès le premier cas de coronavirus parmi leurs élèves.

En plus de ce changement important dans leur protocole sanitaire, les professeurs des écoles ont appris le même jour qu’eux-mêmes ne seraient plus considérés comme cas contact même après avoir côtoyé un élève diagnostiqué positif à la Covid-19.

Le revirement de trop pour Céline, directrice d’une école en Bourgogne-Franche-Comté : « Cette annonce m’a stupéfaite. Il faut désormais trois enfants malades, et pas dans la même fratrie, pour que l’enseignant soit considéré « cas contact » et que sa classe ferme. La blague ! Nous sommes des warriors. […] Tout ça parce que l’administration n’a pas les effectifs suffisants pour nous remplacer. »

« La hiérarchie s’est moquée de nous »

Ce sentiment de frustration et d’incompréhension est partagé par de nombreux enseignants. « Nous n’avons pas eu un mot de remerciement du ministre ni de l’inspectrice. Ce qu’ils veulent, c’est maintenir la continuité pédagogique à tout prix. Leur objectif est de montrer que l’école n’a pas failli, au détriment de la fatigue du personnel éducatif. Je ressens une grosse hypocrisie. Il y a une apparence pour les parents et notre réalité », témoigne Nathalie, enseignante dans un collège des Deux-Sèvres. Céline confirme : « La hiérarchie s’est moquée de nous, elle nous a nié. Elle ne se préoccupe pas du terrain. »

« C’est ce que le Haut Conseil de la santé publique a dit et que nous suivons », a annoncé Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Côté gouvernement, on justifie encore ces multiples évolutions du protocole sanitaire par les nouvelles indications des instances scientifiques. Autre argument, le maintien de tous les élèves en classe pour éviter le décrochage scolaire à la maison.

Mais derrière l’objectif affiché de pallier les inégalités en maintenant la scolarité en présentiel, se cachent des enjeux économiques. Pour que les parents travaillent, il faut que les enfants soient à l’école.

Des masques non conformes

Autre polémique, celle autour des masques. Ceux qui ont été fournis au personnel enseignant par l’Education nationale ne sont pas conformes.

« L’institution a renvoyé la balle aux collectivités locales, leur demandant de fournir les masques. Alors que c’est l’employeur qui doit les fournir, donc le ministère », témoigne Marie, une institutrice des Deux-Sèvres. De leur côté, les parents, mécontents de devoir fournir des masques à leurs enfants, s’insurgent. Pour une famille, le budget est d’environ 50 euros par mois, multiplié par le nombre d’enfants scolarisés. « Certains parents sont obligés de demander des aides au fond social pour financer ce surcoût imposé », commente Marie.

En colère contre certaines décisions des autorités, les parents d’élèves se montrent la plupart du temps compréhensif avec la nouvelle réalité imposée aux enseignants. « Heureusement, les parents nous font confiance et travaillent main dans la main avec nous », conclut Céline.

Polémique à l’université

Actuellement, le débat se porte sur les universités où plusieurs clusters ont été détectés. Des cours en distanciel sont déjà organisés dans la plupart des établissements d’études supérieures mais les amphis restent bondées. Plusieurs syndicats étudiants dénoncent la surcharge des salles de cours. Sur Twitter, de nombreux étudiants témoignent de la difficile gestion des universités avec le hashtag #BalanceTaFac.

Au contraire, selon le gouvernement, la multiplication des nouvelles contaminations s’expliquerait par les rassemblements festifs entre étudiants. De nombreux établissements ont été contraints de suspendre leurs cours en présentiel comme l’IJBA (école de journalisme de Bordeaux), deux écoles d’ingénieurs à Strasbourg, Sciences-Po Reims, etc.

Au 22 septembre, environ 2 000 classes avaient fermé leurs portes. Jean-Michel Blanquer promet qu’avec le nouveau protocole, ce chiffre diminuera rapidement. Pour les polémiques autour de la gestion par l’État du milieu scolaire sous la Covid-19, rien n’est moins sûr.

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