Lundi 4 avril, le Giec a publié la troisième partie de son rapport de 2022. Elle est consacrée à l’atténuation du changement climatique, c’est-à-dire (principalement) les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Des solutions concernant le secteur énergétique, particulièrement mis à mal dans un contexte de crise russo-ukrainienne, sont proposées.
Par Nina Chouraqui et Marion Galard
Les émissions de CO2 du secteur de l’énergie ont bondi de 6 % en 2021, pour atteindre un record historique. Elles devraient encore augmenter de 14 % d’ici à 2030 – si les pays appliquent leur plan climat – alors qu’il faudrait les réduire de 45 % pour garder une chance de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement. Il faudrait atteindre la neutralité carbone (équilibre entre les émissions de CO2 et leur retrait de l’atmosphère par l’homme) en 2070 pour limiter le réchauffement à 2 °C.
Même si le Giec n’incrimine aucun pays en particulier dans son rapport, les plus gros émetteurs de CO2 sont connus. « Dans le monde, les 10 % de ménages les plus riches représentent entre 36 et 45 % des émissions », précisent les experts du Giec. À elles seules, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie de l’Est concentrent plus de la moitié des émissions de CO2 cumulées depuis 1850.
À noter qu’à sa sortie, ce nouveau volet du rapport du Giec a connu un traitement médiatique quasi nul, la guerre en Ukraine a en effet monopolisé toute l’attention des médias. Ce conflit met d’ailleurs à mal le secteur de l’énergie.
Depuis le début du conflit russo-ukranien, et suite aux sanctions qui ont été prises contre la Russie, les prix du gaz et de l’électricité explosent. La hausse des prix de l’énergie, initialement provoquée par la crise sanitaire, s’accentue avec la guerre. Celle-ci met ainsi en lumière la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles russes.
Dans cette situation, les pays se retrouvent dans l’obligation d’envisager d’autres solutions énergétiques pour rompre les échanges avec la Russie, cette dernière représentant aujourd’hui 45 % des importations européennes de gaz. Selon le Giec, « dans tous les secteurs, nous disposons de solutions pour réduire au moins de moitié les émissions d’ici à 2030 », ce qui est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques. Ces derniers sont fixés à une limite du réchauffement climatique à +1,5 °C.
Parmi les solutions proposées, les experts conseillent de trouver d’autres sources d’énergies. En plus de permettre aux pays de limiter considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre, cette solution pourrait leur permettre de ne plus dépendre de grandes puissances énergétiques telles que la Russie. Dans les propositions, figure aussi la sortie des énergies fossiles.
Les scénarios qui permettent d’atteindre cet objectif impliquent une réduction de la consommation de 95 % pour le charbon, de 60 % pour le pétrole et de 45 % pour le gaz en 2050 par rapport à l’année 2019. À côté de cela, aucune nouvelle infrastructure de production d’énergies fossiles ne doit être construite.
Pour pallier un manque d’énergie causé par une réduction de la production des énergies possibles, les experts du Giec préconisent une transition vers les énergies renouvelables. Pour autant, celles-ci sont encore très peu utilisées, notamment en France.
Concernant les énergies renouvelables, le Giec ajoute que « le coût de plusieurs technologies bas-carbone a chuté continuellement depuis 2010 ». Les experts citent l’énergie solaire, dont le coût a baissé de 85 % entre 2010 et 2019, l’éolien (- 55 %) ou encore les batteries lithium-ion (- 85 %). Pour autant, « les flux financiers privés et publics vers les énergies fossiles sont toujours plus importants que ceux pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique », constatent-ils. Les financements pour ces énergies renouvelables devraient être trois à six fois plus élevés que les niveaux actuels.
Mais la crise climatique et les scénarios du Giec impliquent que l’on ne peut pas compter uniquement sur les énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone, notamment car les énergies fossiles sont encore trop utilisées. Il faut donc travailler sur l’efficacité énergétique. Il s’agit du rapport entre la quantité d’énergie délivrée et la quantité d’énergie absorbée. Moins il y a de perte, meilleure est l’efficacité énergétique. Celle-ci est recommandée par le Giec à plusieurs reprises, notamment pour le secteur du bâtiment. Celui-ci a en effet connu une augmentation de 50 % des émissions mondiales de CO2 entre 1990 et 2019, selon le rapport. Les pertes d’énergie sont nombreuses. L’électrification de certaines étapes de production (chauffage thermoélectrique, pompes thermiques) et des transports et véhicules est aussi recommandée dans l’industrie.
Enfin, l’utilisation de carburants alternatifs, dits « durables », est également considérée comme indispensable pour réduire les émissions des secteurs de l’aviation et du transport maritime, difficiles à décarboner. Parmi les carburants à émission faible évoqués, se trouvent par exemple l’hydrogène, l’énergie solaire, l’énergie éolienne ou encore les biocarburants (issus de sources renouvelables telles que les plantes ou les animaux). Le Giec indique également qu’au-delà de l’enjeu climatique, la décarbonation des transports a « des avantages pour la santé, une réduction de la congestion et une réduction de la demande de matériaux ».
Ces solutions énergétiques, nombreuses et diverses, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, sont en tout cas urgentes. Si jusque-là, le Giec parlait de décennie cruciale, il évoque maintenant trois années fatidiques. Il reste trois ans à l’humanité pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Sinon, le monde basculerait vers un réchauffement climatique inévitable à plus de 3 °C. Avec les conséquences dramatiques que l’on connait.