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Crise climatique

Trump fragilise la lutte mondiale pour l’environnement

Donald Trump signe ses premiers décrets présidentiels dès son retour dans le Bureau ovale, le 20 janvier 2025. Photo : Jim Watson/Pool/AFP

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump n’a cessé de montrer son aversion pour les mesures de lutte contre le dérèglement climatique. Le président américain a déjà compromis sur plusieurs points les solutions diplomatiques et scientifiques mises en place depuis plusieurs années pour protéger l’environnement.

Par Colin Dobroniak–Cohen et Jules Frécon.

Trente minutes. C’est le temps qu’il aura fallu à Donald Trump, 47e président des États-Unis, pour retirer son pays des accords de Paris après son investiture. Dès le 20 janvier 2025, à peine de retour au pouvoir, il a réaffirmé ses positions climatosceptiques en retirant son pays des accords pour le climat. Depuis le début de son second mandat, Trump mène une attaque sans précédent contre l’environnement et multiplie les entraves aux recherches sur le climat. Fin avril, le gouvernement fédéral a congédié les auteurs de la prochaine évaluation nationale du climat, prévue pour 2027. Il a indiqué, dans un courriel envoyé aux équipes, qu’une « réévaluation de la portée » des travaux était en cours et qu’ils étaient « libérés de leurs fonctions ».

A contre sens de l’administration Biden, qui avait mis en place de grandes réformes en faveur des énergies renouvelables, le gouvernement Trump va à l’encontre de celles-ci. Depuis le 20 janvier 2025, ce n’est pas moins de sept projets solaires et onze projets éoliens qui ont été annulés, annonçait Shannon Baker-Branstetter, la directrice pour le climat national au centre de réflexion Center for American Progress.

 

Réalisation Colin Dobroniak–Cohen/EPJT

En parallèle, Donald Trump a également mis un terme au soutien aux véhicules électriques. Il déclare avoir un « engagement sacré » envers les ouvriers de l’industrie automobile. Ainsi, il a mis fin à un décret de 2021, ratifié par Joe Biden, qui visait à garantir que la moitié des nouveaux véhicules vendus aux États-unis d’ici 2030 soient électriques ou hybrides. Ce décret cherchait à réduire progressivement la quantité d’émissions autorisées.

Mais ce n’est pas tout. Le domaine de la recherche est aussi sous le coup de cet embargo politique. L’administration Trump a également stoppé ou suspendu plusieurs budgets d’universités ou d’agence américaines qui étudient le climat et l’environnement.

Le 8 avril 2025, le Département du commerce américain a supprimé 4 millions de dollars, l’équivalent de 3,5 millions d’euros, de financement à un institut de recherche lié à la prestigieuse université de Princeton, dans le New Jersey. Raison énoncée : les travaux sur le réchauffement climatique, les inondations et la montée du niveau de la mer exposeraient les étudiants à l’« anxiété climatique » et à l’« exagération des menaces climatiques », explique le New York Times.

En parallèle, des subventions d’autres universités ont été supprimées. Celle d’Harvard s’est, par exemple, vu refuser 2 milliards de dollars (un peu moins de 1,8 milliard d’euros) d’aide habituellement accordée.

Les scientifiques doivent s’autocensurer

La National Science Foundation, l’un des principaux bailleurs de fonds de la recherche universitaire, a mis un terme à des centaines de subventions, notamment en interdisant les intitulés d’études contenant des mots-clés en lien avec le genre, le climat et la justice environnementale. Les scientifiques étasuniens doivent désormais s’autocensurer et bannir tout un lexique environnemental et social de leurs travaux pour espérer garder leurs financements.

Ces attaques contre la recherche universitaire, y compris dans les domaines de l’environnement, ont poussé les dirigeants européens à agir. Lors du sommet Choose Europe for science, organisé en mai, ils ont indiqué vouloir accueillir les scientifiques américains qui souhaitent fuir l’administration Trump.

Une autre institution est dans le viseur du chef d’État. L’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA) des Etats-Unis qui joue un rôle clé dans la recherche sur le climat, a été touchée par les réformes du président républicain. Deux mille employés ont dû quitter la structure, soit environ 20 % des effectifs. Des départs qui, selon la chercheuse de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Éléonore Duffau, fragilisent « les prévisions météorologiques, dont le suivi des ouragans, et mettent en péril l’élaboration de la nouvelle génération de modèles de climat, les systèmes d’alerte précoces au catastrophes ».

Ces exemples illustrent seulement une fraction des nombreuses coupes budgétaires et renvois décidés sous l’administration Trump. L’Agence fédérale de gestion des situations d’urgence (Fema) comptabilise mille départs, tandis que Lee Zeldin, le directeur de l’agence de protection de l’environnement (EPA), a annoncé une réduction de son budget à hauteur de 65 %. Une baisse financière qui risque d’entraîner une vague massive de licenciements.

Qu’est ce que la politique du « Drill, baby, drill » ? Réalisé par : Jules Frécon/EPJT

Les institutions américaines ne sont pas les seules à subir les décisions de Trump. La coopération scientifique internationale souffre également de ce tournant. Le gel des échanges entre agences américaines et partenaires étrangers, tels que l’Ifremer en France, menace des grands programmes de surveillance climatique.

Si la France perd l’accès aux données issues de flotteurs océaniques américains, la possibilité de suivre l’évolution des océans – composants clé du système climatique – sera gravement dégradée. La fin du partage global de données sur la qualité de l’air, recueillies par les ambassades américaines, prive également de nombreux pays d’un outil de veille fondamental à la santé publique. Deuxième pollueur au monde, les États-Unis ont une influence considérable sur le bilan carbone global. Et le slogan « Drill, baby, drill », (fore, chéri, fore), prononcé par le chef d’Etat lors de son investiture, montre que le gouvernement ne se préoccupe pas de la quantité d’émission polluantes émises.

La communauté internationale pourrait ralentir ses efforts

Sans les efforts de la première puissance économique mondiale, le reste de la communauté internationale pourrait être incité à ralentir les siens. L’Argentine avait déjà retiré ses négociateurs de la COP29 sur le climat à Bakou en novembre dernier, quelques jours après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Depuis, Javier Milei, le président argentin, a persisté dans cette voie en annonçant son retrait de l’Accord de Paris de 2015.

Au lendemain de la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche, le politologue, François Gemenne, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) s’inquiétait déjà de son retour auprès de Libération : « C’est une nouvelle catastrophique pour le climat. L’élection de Trump arrive au plus mauvais moment pour la transition. »