Partout en Europe, de nombreuses manifestations ont dénoncé la participation des athlètes russes et biélorusses aux jeux Olympiques de Paris 2024. Photo : Vano Shlamov/AFP
Une poignée d’athlètes russes et biélorusses participeront sous bannière olympique aux jeux Olympiques de Paris à l’été 2024. Et aujourd’hui se pose également la question des athlètes israéliens. La bannière olympique neutre concentre depuis toujours des enjeux géopolitiques et stratégiques.
Par Thomas Langeard et Hugo Laulan
La question était restée en suspens durant de nombreuses semaines. Les athlètes russes et biélorusses qui participeront aux jeux Olympiques de Paris l’été prochain ne paraderont pas durant la cérémonie d’ouverture qui aura lieu le 26 juillet sur la Seine.
Créée aux jeux Olympiques de Barcelone en 1992, la dénomination « d’athlètes indépendants aux jeux Olympiques » a vu le jour dans le contexte des différentes guerres qui frappaient la Yougoslavie de l’époque. Depuis, ce statut permet à des athlètes, dont le pays n’est pas reconnu par le CIO, de participer aux JO sans représenter les couleurs de leur pays. La bannière olympique, comme on l’appelle souvent, est, depuis sa création un concentré, d’enjeux politiques et géopolitiques.
Les conditions de participation des athlètes russes et biélorusses prévus pour Paris 2024 sont bien plus strictes que lors des éditions précédentes. En effet, ceux-ci ne doivent à aucun moment avoir soutenu par quelconque moyen l’invasion de l’Ukraine ni même être affilié à un club sous la houlette du gouvernement russe. Les athlètes sont également exclus de toute compétition par équipe. Les officiels russes ne se sont pas fait attendre pour dénoncer des « conditions discriminatoires » allant « à l’encontre des principes sportifs » et « nuisant aux jeux Olympiques eux-mêmes et non au sport russe », selon les mots de son ministre des Sports, Oleg Matytsine, en décembre 2023.
Depuis 1992, des dizaines de sportifs du monde entier ont participé aux jeux Olympiques d’été et d’hiver en tant qu’athlètes indépendants. Réalisation : Hugo Laulan/EPJT
Officialisé par le Comité international olympique (CIO) le 8 décembre 2023, la participation des athlètes russes et biélorusses ne convainc réellement personne. Dans la foulée de cette décision, le ministre de la Jeunesse et des Sports ukrainien, Matvi Bidny s’est insurgé, dans un communiqué, en se demandant ironiquement ce que la Russie devait faire de plus et qui devait-elle encore tuer pour que le CIO cesse de regarder de façon positive ce pays terroriste.
Depuis, si le gouvernement ukrainien a abandonné sa menace de boycott des Jeux de Paris, il tente par tous les moyens de limiter le nombre d’athlètes russes et biélorusses en dévoilant leur fausse neutralité. Ainsi, début février 2024, il a publié une longue liste d’athlètes russes et biélorusses coupables, selon ses recherches, d’un soutien actif à la guerre menée par Vladimir Poutine.
Côté russe, le ministère des Sports et le Comité olympique national ont d’ores et déjà confirmé qu’ils ne boycotteront pas l’édition 2024. Cependant, le pays reste divisé sur la question de la participation des Russes dans ces conditions. Le camp des « contre » est de plus en plus fourni. La présidente de la Fédération nationale de gymnastique rythmique, Irina Viner, proche du pouvoir, estime que « les participants aux Jeux de Paris formeront une équipe de SDF ». « Ils seront totalement déshumanisés et le peuple ne leur pardonnera pas », ajoute-t-elle.
Face à la difficulté ou à l’impossibilité de participer aux jeux Olympiques 2024, de nombreuses compétitions « alternatives » sont proposées aux Russes sur fond d’enjeux géopolitiques et stratégiques : jeux du futur en février, jeux des Brics en juin et, surtout, jeux de l’Amitié, en septembre. Les vainqueurs russes de ces compétitions recevront les mêmes primes et le même statut que les médaillés des JO de Paris.
Si une poignée d’athlètes russes et biélorusses ont obtenu leur billet pour Paris 2024, tous ne se positionnent pas de la même manière face au conflit en Ukraine. Réalisation : Thomas Langeard/EPJT
Le 20 février 2024, dans un courrier adressé au président du CIO, Thomas Bach, une trentaine de députés de La France insoumise (LFI) et écologistes réclamait que les sanctions infligées à la Russie et à la Biélorussie soient étendues à Israël. Une demande rejetée. Pour expliquer ce choix, le comité par la voix de Pierre-Olivier Beckers, président de la commission de coordination des JO 2024, précise que la Russie et son comité olympique ont été sanctionnés pour avoir bafoué des éléments essentiels de la charte olympique. « Ce n’est le cas ni du comité olympique palestinien, ni du comité olympique israélien qui coexistent de manière pacifique entre eux », indique-t-il.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le CIO est confronté à un conflit dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas. Cependant, il s’efforce de rester totalement à l’écart et se retranche derrière sa propre mise en pratique de la solution à deux Etats, puisque les comités nationaux olympiques (CNO) israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d’Oslo.
L’offensive israélienne se prolongeant, la question ne cesse de revenir sur la table. Le 15 avril, Emmanuel Macron justifiait la différence de traitement entre la Russie, exclue comme nation pour avoir décidé « une guerre d’agression » contre l’Ukraine, et Israël, dont le drapeau sera présent, car il n’a pas été « attaquant ».