Depuis 1979, les députés européens sont élus au suffrage universel direct. D’une durée de cinq ans, leur mandat sera remis en jeu le 26 mai 2019. Entre changement de mode de scrutin, nouvelle répartition des sièges entre les États membres et enjeux politiques, on fait le point sur ces élections majeures à venir.
Les élections européennes modifient tous les cinq ans le paysage politique du Parlement européen, ayant des répercussions aux niveaux européen mais aussi national. En effet, lorsqu’ils accèdent à l’hémicycle strasbourgeois, les partis nationaux des États membres s’organisent suivant trois échelles. Certains partis, isolés ou trop peu nombreux, restent non affiliés. La plupart des partis nationaux rejoignent cependant des partis européens qui reçoivent des subventions de l’Union européenne (UE). Cette affiliation peut se faire avant les élections si le parti indique sa volonté de siéger au Parlement. Les partis doivent être représentés dans au moins sept pays membres par des élus régionaux, nationaux ou européens.
Une fois élus, les eurodéputés peuvent aussi rejoindre des groupes parlementaires: ce sont eux qui siègent au Parlement. Un groupe doit comprendre au minimum 25 députés, élus dans au moins un quart des États membres. Il y a actuellement huit groupes parlementaires. Cette répartition pourrait se voir modifiée suite aux élections européennes du 26 mai 2019, déjà perturbées par le Brexit.
La répartition des sièges bouleversée par le Brexit
Les incertitudes et les nombreux retournements de situation concernant la date officielle du Brexit ne nous permettent pas d’affirmer que de nouveaux députés britanniques siégeront en 2019. Si le Brexit n’est pas effectif
avant la première session du Parlement européen, le 2 juillet, la répartition ne changera pas. Si, à l’inverse, la sortie de l’UE du Royaume-Uni est actée, le mandat des nouveaux eurodéputés britanniques, élus le 26 mai, sera écourté. Dans ces conditions, le nombre de sièges au Parlement européen passe de 751 à 705. Les Britanniques détenaient 73 sièges : 46 d’entre eux sont mis en réserve et ne seront plus occupés jusqu’à nouvel ordre. Quant aux 27 restants, ils permettent un rééquilibrage des places pour les pays membres, le nombre de sièges attribué étant corrélé au poids démographique des pays membres.
Qui sont les groupes politiques du Parlement européen ?
Le Parti Populaire Européen (PPE) est le parti majoritaire au Parlement européen. Il réunit les formations de droite et de centre droit d’inspiration démocrate chrétienne et libérale-conservatrice, à l’instar de l’Union chrétienne-démocrate d’Angela Merkel, ou le parti Les Républicains de Laurent Wauquiez. Il dispose d’un groupe au Parlement européen, fort de 219 eurodéputés.
Fondé en 1976, le PPE compte dans ses rangs de nombreux chefs d’État et de gouvernement. Il détient actuellement les présidences des trois principales institutions européennes : la Commission européenne dirigée par Jean-Claude Juncker, le Conseil européen dirigé par Donald Tusk, et le Parlement européen, présidé par Antonio Tajani.
La ligne du PPE fait débat. Le parti du Premier ministre hongrois Viktor Orban, le Fidesz, a été suspendu mercredi 20 mars 2019. Le PPE a voté cette suspension avec effet immédiat en raison de ses campagnes diffamatoires et conspirationnistes envers Bruxelles. Le Fidesz ne pourra plus participer aux réunions du PPE, n’aura plus de droit de vote ni le droit de proposer des candidats à des postes au sein du parti.
L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D) est un groupe politique de centre-gauche du Parlement européen fondé en juin 2009, juste après les élections européennes. Il succède ainsi au Parti socialiste européen (PSE) tout en restant dans la même lignée progressiste, militant pour une « Europe de solidarité, de justice sociale et d’égalité« . Son groupe parlementaire est constitué de 189 eurodéputés.
Martin Schulz, homme politique allemand, a longtemps incarné le S&D. Élu en 2004 à la tête du groupe du PSE, il est resté président du groupe jusqu’en 2012. Conformément à un accord avec les conservateurs du PPE, il sera la même année élu président du Parlement européen. Réélu en 2014, il quitte cette fonction en 2017 afin de retourner sur la scène politique allemande. Il a été depuis remplacé à la présidence par Antonio Tajani (PPE).
Les deux mandatures de Martin Schulz ont été marquées par l’alliance avec le PPE, formant ainsi une grande coalition au sein du Parlement européen. Le reproche lui a été fait de brouiller la ligne du S&D, notamment sur les questions migratoires, sur les traités transatlantiques, ou sur les politiques d’austérité. De manière générale, il est reproché au S&D de ne pas suffisamment se distinguer de son allié le PPE. À eux deux, ces deux groupes détiennent les postes hégémoniques de l’UE.
Le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) rassemble des partis de droite et de la droite nationaliste et anti-fédéraliste. Fondé en 2009, il est le troisième groupe parlementaire avec 72 eurodéputés. Il revendique une ligne libérale sur le plan économique, mais est critique vis-à-vis des institutions européennes. Il ne réclame pas pour autant un départ de leurs pays de l’UE. Ce groupe a été créé par le Parti conservateur britannique, dont les eurodéputés étaient dissidents du PPE auquel ils appartenaient en premier lieu.
L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) est le quatrième groupe parlementaire avec 68 eurodéputés. L’ALDE rassemble depuis juillet 2004 deux partis politiques européens : le Parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe et le Parti démocrate européen, fondé par l’UDF de François Bayrou. Défendant une ligne libérale et sociale-libérale, il promeut également un fédéralisme européen.
Les Verts et l’Alliance libre européenne (ALE) forment le cinquième groupe parlementaire (Verts/ALE), et réunissent 52 eurodéputés. Le groupe défend la protection de l’environnement, la transition écologique, l’égalité des chances et la justice sociale. Il s’est notamment démarqué lors de la lutte contre les traités transatlantiques.
Le groupe Confédéral de la gauche unitaire européenne (NGL) et la Gauche vert nordique (GUE) est le sixième groupe parlementaire, avec 51 eurodéputés. Il regroupe divers partis allant de la gauche à l’extrême-gauche, où l’on retrouve des idéologies à tendance socialiste, anti-libérale, anti-capitaliste ou encore communiste. Leur ligne politique peut être qualifiée d’alter-européenne, c’est-à-dire opposée à la construction européenne actuelle.
Le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD) est le septième groupe parlementaire, avec 44 eurodéputés. Fondé en 2009 par les Britanniques de UKIP et des Italiens de la Ligue du Nord, il revendique une ligne eurosceptique.
L’Europe des nations et des libertés (ENL) est le plus petit groupe parlementaire avec 36 eurodéputés. Tout comme l’EFDD, ce groupe nationaliste critique les instances européennes et s’oppose à sa politique migratoire. Sa création est annoncée le 16 juin 2015 par Marine Le Pen et Geert Wilders.
Les politiques français : qui est où ?
Durant la législature 2014-2019, les partis français se sont répartis dans les différents groupes parlementaires:
- Les Républicains siègent au sein du Groupe PPE
- Le Parti Socialiste appartient au Groupe S&D
- L’UDI et le MoDem font partie du Groupe ALDE
- Europe Ecologie Les Verts est membre du Groupe Verts/ALE
- Le Parti communiste (PCF) et La France insoumise (LFI) sont membres du groupe GUE/NGL
- Le Rassemblement National (RN) est membre du groupe ENL
- Les eurodéputés ayant quitté le FN pour rejoindre les Patriotes (dont Florian Philippot) siègent actuellement avec le groupe ELDD
Trois eurodéputés français sont non-inscrits: Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et Sophie Montel.
LREM ne possède actuellement pas d’eurodéputés, son allié MoDem siège au sein d’ALDE. D’après Stanislas Guérini, la liste Renaissance chercherait à créer un nouveau groupe central au Parlement européen, en s’appuyant sur le groupe ALDE. Il vise un rassemblement au-delà du groupe, notamment au sein du S&D. Cette ambition risque de tourner court et de forcer Renaissance à intégrer l’ALDE.
Le retour à la circonscription nationale unique
L’innovation de ces Européennes, c’est le changement de scrutin. La France était auparavant partagée en huit circonscriptions. Avec la loi du 25 juin 2018, Emmanuel Macron a décidé de retourner à une seule liste nationale. En cause : l’illisibilité de l’ancien mode de scrutin, où les candidats étaient répartis entre huit circonscriptions multi-régionales.
Cette mesure a largement fait consensus au sein des pro et anti-européens, à l’exception notable du parti Les Républicains qui a dénoncé une “manipulation électorale”.
Il s’agit d’un retour à une situation préexistante, puisque la circonscription nationale unique était appliquée depuis les premières élections européennes en 1979, jusqu’à sa modification en 2004. Toutefois, certaines choses ne changent pas : la barre des 5 % des suffrages exprimés pour obtenir au moins un élu n’est pas modifiée, et les partis politiques seront remboursés de leurs frais de campagne s’ils réalisent 3 % des voix. Les sièges sont attribués en fonction de l’ordre de présentation des candidats sur chaque liste. C’est pourquoi le choix des têtes de liste de chaque parti est lourd de conséquence.
Les Européennes : une élection test pour les partis français
Les Européennes sont le premier scrutin national en France depuis les législatives. Elles constituent donc un véritable test pour l’ensemble des mouvements politiques. Pour les partis d’opposition, c’est l’occasion de montrer leur légitimité à contester le pouvoir en place. L’enjeu est particulièrement important pour le Rassemblement National. Le parti dirigé par Marine Le Pen était arrivé en tête du scrutin en 2014, avec 24,86 % des voix. La liste RN de Jordan Bardella a pour ambition de renouveler cette percée électorale aux Européennes de mai 2019, notamment afin de consolider le statut de principal opposant politique à Emmanuel Macron, que le parti prétend incarner.
Quant à LFI, elle espère réitérer les bons scores des scrutins nationaux de 2017 et prendre plus de poids au Parlement européen. Le parti de Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de Manon Aubry, ancienne porte-parole d’Oxfam France sur les questions de lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités, pour mener sa liste. En 2014, la liste Front de gauche, de la même couleur politique, n’avait recueilli que 6,61 % des voix.
Le Parti Socialiste, en faisant le choix de s’allier à Place Publique de Raphaël Glucksmann, entend bien améliorer des résultats décevants aux deux précédentes élections (présidentielle et législative) par une ouverture au delà du PS.
Les Républicains, eux, sont quasiment certains de voir leur score en très nette chute par rapport à 2014 où ils avaient réuni 20,81 % des suffrages exprimés (soit 20 sièges). Leur ambition est donc d’obtenir le meilleur score possible en évoluant dans l’espace laissé entre le RN et La République en Marche.
Pour le parti présidentiel, les élections européennes sont un moment charnière. Emmanuel Macron s’est à plusieurs reprises fait le porte parole d’une UE plus forte et plus intégrée, notamment à l’occasion de son discours de la Sorbonne prononcé le mardi 26 septembre 2017. La liste Renaissance, comprenant LREM et ses alliés, espère donc remporter les élections afin de pouvoir légitimer son action européenne, mais aussi prouver la persistance d’un soutien populaire alors même que crise des gilets jaunes se poursuit.
Les Européennes, une chance pour les petits partis ?
Enfin, plusieurs partis abordent les Européennes comme un vote test. Europe écologie les verts est un parti habitué à réaliser des bons scores lors de ces élections. Il doit réussir à se rendre de nouveau audible après son désistement au profit de Benoît Hamon lors de la présidentielle de 2017, ainsi que son incapacité à faire élire des députés lors des législatives qui ont suivies.
Pour Génération.s, le mouvement lancé par Benoît Hamon, c’est le baptême du feu. Il dispose de trois députés au Parlement européen après des défections du PS. Toutefois, c’est la première fois que Génération.s présente des candidats à des élections (hormis élections partielles).
La situation est identique pour Les Patriotes de Florian Philippot, qui compte deux députés européens, qui ont fait défection du Front National.
Plusieurs petits partis, plus anciens, sont également en lice pour les 79 sièges et espèrent dépasser les 5% requis afin d’avoir au minimum un eurodéputé. C’est l’espoir de Ian Brossat, à la tête de la liste du Parti Communiste Français. Aux précédentes élections, le PCF avait rejoint la liste du Front de Gauche pour faire élire deux députés européens.
La liste des “Amoureux de la France”, menée par Nicolas Dupont-Aignan, n’avait pas réussi à obtenir les voix nécessaires pour faire élire des eurodéputés en 2014, avec 3,82 % des voix. Il compte cependant un député au Parlement européen, puisque Bernard Monot a quitté le FN afin de rejoindre Debout La France, parti de Nicolas Dupont-Aignan, en mai 2018.
Plusieurs mouvements n’ayant pas d’eurodéputés sont également candidats : L’Union populaire républicaine, Lutte ouvrière, Europe démocratie espéranto et le Parti animaliste, le Rassemblement des contribuables français, le Parti fédéraliste européen, le Parti des citoyens européens,Urgence écologie et l’Alliance jaune.
Le Rassemblement des écologistes pour le vivant, Volt France, Résistons !, le parti de Jean Lassalle et le Nouveau parti anticapitaliste de Philippe Poutou ont jeté l’éponge, faute de moyens. Ingrid Levavasseur, qui voulait conduire une liste Gilets jaunes, a également renoncé. Plusieurs figures du mouvement tentent actuellement de former une liste.