Créée à l’échelle de l’Union européenne en 1962, la Politique agricole commune a été réformée à de nombreuses reprises. Début 2024, elle a provoqué des manifestations d’agriculteurs en colère dans toute l’Europe. Photo : EPJT
La nouvelle réforme de la Politique agricole commune divise. Les ajustements, comme l’assouplissement des règles environnementales et les exemptions pour les petites exploitations, sont discutés. Certains voient de la flexibilité, d’autres craignent un recul pour l’agriculture durable.
Par Clara Duchêne et Rhaïs Koko
La PAC est divisée en deux parties. D’un côté les aides directes qui en France représentent un peu plus de 70 % de son budget. Ces aides sont allouées à l’hectare, ce qui offre ainsi un revenu de base aux agriculteurs indépendamment de leur production ou de leurs méthodes de culture. Le montant des aides est déterminé en fonction de la surface exploitée et de son potentiel de productivité, sans tenir compte des rendements spécifiques.
De l’autre, les aides au développement rural qui complètent le soutien financier pour les agriculteurs qui rencontrent des défis liés à leur situation géographique, leurs pratiques agricoles ou le démarrage de leurs activités. Ces aides visent à promouvoir la compétitivité des exploitations agricoles tout en encourageant une meilleure gestion environnementale.
Cependant, les agriculteurs ont critiqué les normes environnementales imposées par la PAC, jugées trop contraignantes. Ces normes, également appelées « conditionnalités », ont été particulièrement contestées en février 2024. Les petites exploitations de moins de 10 hectares sont exemptées des contrôles et des sanctions liées à ces exigences environnementales.
Les réformes de a PAC à travers le temps. Sources : Conseil européen – Conseil de l’Union européenne ; CVCE ; Wikipedia
Réalisé par Rhaïs Koko/EPJT
Les aides de la PAC, directement liées à la taille des exploitations agricoles, couplées à la production et basées sur le nombre d’hectares ou d’animaux, favorisent naturellement les grandes exploitations. Cette approche encourage la concentration des cultures, la surproduction et la capacité à exporter, notamment dans le cadre des accords de libre-échange. En conséquence, les exploitations de grande taille bénéficient davantage des subventions de l’Union européenne, tandis que les petites exploitations, souvent axées sur des modèles agricoles biologiques ou paysans, reçoivent moins d’aides.
Cette répartition inégale des aides favorise un modèle d’agriculture productiviste, au détriment des exploitations de petite taille. Les agriculteurs en colère en début d’année soulèvent des questions sur l’équité et la durabilité de la PAC, ainsi que sur son impact sur la diversité agricole en Europe.
Les fraudes liées à la PAC sont aussi une préoccupation majeure. En France, les agriculteurs peuvent remplir leur déclaration sans fournir de justificatifs, ce qui facilite les fausses déclarations et l’accaparement illégal de terres agricoles. Les chiffres de la Cour des comptes européennes indiquent une moyenne annuelle de 38,5 milliards d’euros de paiements directs entre 2018 et 2020, tandis que les dépenses liées aux mesures de marché et au développement rural sont nettement plus faibles.
Répartition des aides de la PAC en Europe. Réalisé par Rhaïs Koko/EPJT
Le 15 mars 2023, une nouvelle réforme de la PAC a été dévoilée et approuvée par la Commission européenne, suite aux manifestations agricoles qui ont secoué l’Europe. La principale modification concerne le principe des aides conditionnelles, négocié sur trois ans pour s’appliquer de 2023 à 2027. Elle représente un recul significatif par rapport aux engagements écologiques de l’UE.
Les changements se concentrent sur quatre aspects clés : la préservation des prairies permanentes, la couverture des sols par des cultures pendant l’hiver, la rotation des cultures et la part minimale de surfaces non productives sur les exploitations agricoles.
Exempter les petites exploitations de moins de 10 hectares
Trois des neuf « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE) ont été réécrites et assouplies : les agriculteurs de l’UE devront désormais conserver les éléments paysagers existants sans obligation de consacrer une partie de leurs terres arables à des zones non productives telles que les jachères.
De plus, les États membres auront plus de flexibilité pour définir les périodes sensibles et les pratiques autorisées en fonction de leurs conditions nationales et régionales. La Commission propose également d’exempter les petites exploitations de moins de 10 hectares des contrôles et des sanctions liées à la conditionnalité, réduisant ainsi la charge administrative pour les petits agriculteurs qui représentent 65 % des bénéficiaires de la PAC.
Ces changements suscitent des débats et des inquiétudes quant à leur impact sur l’environnement et la durabilité de l’agriculture européenne. Alors que certains saluent la flexibilité accrue et la réduction de la bureaucratie, d’autres craignent que cela ne compromette les progrès réalisés en matière de protection de l’environnement. La réforme de la PAC continue, depuis soixante ans, de diviser et d’alimenter les discussions au sein de l’Union européenne.