Algorithme de Tik Tok

Selon une étude, 91 % des Français de moins de 25 ans utilisent Tik Tok. Photo : Gabriel Ziar/EPJT

Elle est loin d’être un cas isolé. De nombreux adolescents en détresse psychologique consomment des contenus qui font la promotion du suicide, de l’automutilation ou des troubles alimentaires. Ceux-ci sont accessibles facilement sur Tik Tok car favorisés par son algorithme. 

Pour tenter d’encadrer cette application en France, un collectif de parents et de victimes des réseaux sociaux nommé Algos Victima s’est formé avec l’aide de l’avocate Laure Boutron-Marmion. Sept familles, dont deux ont perdu un enfant qui s’est suicidé, ont assigné le réseau social en justice en novembre 2024. En mars 2025, quatre familles ont rejoint le combat, portant à onze le nombre total de plaignants. 

Les députés français se sont aussi emparés du sujet. Jeudi 13 mars, ils ont validé la création d’une commission d’enquête. Parmi ses missions, déterminer si l’application favorise le passage à l’acte suicidaire et promeut des contenus inadaptés et dangereux, notamment pour la santé mentale des jeunes. 

Interrogée sur France Info, Me Laure Boutron- Marmion dénonce :  « Toutes les études montrent qu’au bout de deux minutes, des contenus sur le suicide, la scarification ou les troubles alimentaires arrivent ». Et d’ajouter : « Ce sont eux qui sont à la manœuvre de leur algorithme. Ils ne peuvent aujourd’hui s’en laver les mains. »

Les chiffres représentatifs de l’utilisation de Tik Tok par les adolescents français. Réalisation : Antonin Jouisse/EPJT

L’avocate fustige aussi l’attitude du réseau social qui impose du contenu à ses utilisateurs sans leur consentement. Elle explique également que la plateforme est capable d’interdire ces contenus puisque la version chinoise est plus édulcorée et que les contenus dangereux n’y existent pas. 

L’impact de Tik Tok sur les adolescents est encore difficile à évaluer scientifiquement. Néanmoins, plusieurs experts interrogés dans le cadre d’un rapport du Sénat publié en juillet 2023, pointent la responsabilité du réseau social. 

L’algorithme de Tik Tok est également mis en cause : il suffit à un utilisateur de liker un type de vidéo pour ensuite en être submergé. Si l’effet est  plutôt pratique lorsqu’il s’agit de recettes de cuisine, les conséquences sont bien plus dramatiques lorsqu’un jeune de 14 ou 15 ans se retrouve noyé dans un flot infini de contenus néfastes et dangereux pour sa santé. 

L’algorithme de Tik Tok est également mis en cause : il suffit à un utilisateur de liker un type de vidéo, pour ensuite en être submergé. Si l’effet est  plutôt agréable lorsqu’il s’agit de recettes de cuisine, les conséquences sont bien plus dramatiques lorsqu’un jeune de 14 ou 15 ans se retrouve noyé dans un flot infini de contenus néfastes et dangereux pour sa santé. Angélique Gozlan, docteure en psychopathologie et psychanalyse, explique par exemple que « des analyses ont montré que 97 % des vidéos étaient présentées par des jeunes filles blanches et minces, qui diffusaient un message normatif à propos du poids ». Avec les conséquences que cela entraîne sur les adolescentes.

Tik Tok dispose d’une autre particularité, celle de retenir davantage son public cible, les adolescents. En moyenne, les 4-18 ans passent cent sept minutes par jour sur le réseau social selon des documents confidentiels que se sont procurés des sénateurs américains.

En France, selon la commission d’enquête du Sénat, l’algorithme de TikTok conduit à « enfermer les utilisateurs dans des “bulles de filtre” parfois dangereuses ». Une étude du Center for Countering Digital Hate (Centre pour la lutte contre la haine numérique) de décembre 2022 a ainsi montré que l’application avait tendance à proposer davantage de contenus dangereux aux personnes vulnérables. Ce phénomène est d’ailleurs parfois renforcé par les parents qui n’ont pas toujours conscience des effets des réseaux sociaux sur la santé de leurs enfants et les découvrent souvent trop tard. 

Delphine, la mère de Charlize, a expliqué sur RMC qu’elle pensait que Tik Tok se résumait simplement à des « vidéos où on faisait du playback sur des musiques en dansant ». Elle n’a découvert qu’après le suicide de sa fille que le réseau social la submergeait de contenus qui promouvaient le suicide et l’automutilation. « Il n’y avait aucun moyen qu’elle s’en sorte. Elle n’allait pas bien, certes, mais ça ne l’a pas aidée à se relever » a-t-elle confié sur BFMTV. 

L’algorithme Tik Tok a un fonctionnement complexe mais redoutable. Réalisation : Antonin Jouisse/EPJT 

Interrogée par Le Parisien Irene Cristofori, enseignante-chercheuse en neurosciences à l’université Claude Bernard, explique le fonctionnement addictif de Tik Tok sur les adolescents : « Les vidéos courtes ont pour le cerveau le même effet que lorsque vous mangez des petits bonbons : un effet addictif qui booste le système dopaminergique du cerveau, les stimulus du plaisir. Comme avec une drogue, le cerveau en veut toujours plus pour maintenir ce niveau de plaisir. »

Les adolescents, dont le cortex frontal est en construction, sont particulièrement sensibles à ce système de récompense. La chercheuse ajoute que ce fonctionnement « modifie le développement de l’enfant, notamment l’estime de soi et l’épanouissement. Sur le long terme, cela peut avoir un impact sur leur comportement social et leur l’agressivité ». 

Tik Tok et son fonctionnement soulèvent donc de nombreuses questions, éthiques et morales et du point de vue de la santé mentale des adolescents. Ces problèmes pointés ne sont d’ailleurs pas propres à l’Hexagone. Outre-Atlantique, le réseau social, brièvement interdit avant d’être réautorisé par Donald Trump, suscite également des débats similaires. 

Fin 2024, quatorze procureurs fédéraux américains l’avaient assigné en justice. Les suites de la procédure semble compromises, alors que le président du pays a annoncé, en février dernier, limoger l’ensemble des procureurs nommés par son prédécesseur, Joe Biden.