Situé à Strasbourg et à Bruxelles, et composé à partir des élections de 2019 de 705 sièges, le Parlement européen incarne le pouvoir législatif au sein de l’Union européenne.
Le Parlement européen et le Conseil
L’organisation du Parlement européen est différente de ce qui existe dans les États membres de l’Union. Contrairement en effet au Parlement en France, au Royaume-Uni, ou encore en Allemagne, le Parlement européen est composé d’une seule chambre.
De même, et ici se situe le point essentiel, il partage sa fonction de législateur avec une autre institution, le Conseil de l’Union européenne, aussi appelé « Conseil », composé des représentants des gouvernements nationaux (typiquement les ministres). Bien que ce partage puisse sembler incongru et n’aide pas à donner de la lisibilité au fonctionnement de l’Union européenne, il trouve sa justification dans les origines de la construction européenne post-seconde guerre mondiale. Les États fondateurs se sont en effet entendus en 1957 en instituant la CEE, la Communauté économique européenne – devenue l’Union européenne – pour réserver au Conseil l’adoption de textes qui s’imposent aux États. Cette pratique est assez classique et existe dans d’autres organisations internationales comme le Conseil de sécurité de l’ONU, le Conseil des gouverneurs de la banque mondiale ou encore l’Assemblée mondiale de la santé de l’OMS.
Un Parlement européen progressivement représentatif des citoyens
Le Parlement européen est à ses débuts bien loin d’incarner l’idée d’une démocratie représentative tant d’un point de vue de sa composition que de ses fonctions. Ses membres étaient désignés par les Parlements nationaux (article 138 du traité CEE) et il ne pouvait que donner son avis sur les projets d’actes législatifs que le Conseil entendait adopter (par exemple article 43 du traité CEE sur la politique agricole commune). La Cour de justice de l’Union européenne avait soulevé en 1980 que le Parlement européen est « le reflet, bien que limité, au niveau de la Communauté, d’un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent à l’exercice du pouvoir par l’intermédiaire d’une assemblée représentative ».
Cette participation réduite du Parlement européen s’acclimatait difficilement avec le projet déterminé dès 1957 par les six membres fondateurs de la CEE de donner progressivement de plus en plus de compétences à l’UE. Les traités qui se sont succédés ont en conséquence conduit les États membres à valoriser de manière continue la place du Parlement européen au sein de l’Union européenne. Outre que l’année 1979 marque les premières élections de ses membres au suffrage universel direct, le Parlement européen dispose désormais de pouvoirs législatifs bien plus étendus. Le Conseil conserve une position privilégiée mais ce dernier doit pleinement composer avec le Parlement européen pour l’adoption d’actes législatifs, laquelle obéit à deux procédures différentes, la procédure législative ordinaire et la procédure législative spéciale.
La procédure législative ordinaire : Parlement et Conseil à égalité
La procédure législative ordinaire est une procédure par laquelle le Parlement européen et le Conseil adoptent ensemble sur un même pied d’égalité un acte juridique pouvant être soit une directive, un règlement, ou une décision et dont la proposition émane de la Commission européenne (article 289 § 1 TFUE).
Dans la pratique cependant, la Commission agit rarement seule, mais répond à des sollicitations émises par le Conseil ou le Parlement européen. C’est par exemple le Parlement européen qui a demandé à la Commission en 1998 de se saisir de la question des perturbateurs endocriniens, ce qui avait, entre autres, débouché sur l’inscription de substances susceptibles d’affecter les fonctions endocriniennes dans une proposition de directive dans le domaine de l’eau. Plus généralement, les sujets couverts par cette procédure sont très variés.
C’est ainsi une directive prise par le Parlement européen et le Conseil qui est à l’origine de la mise en place du système d’échange entre entreprises de quotas d’émission de gaz à effet de serre. De même, s’il est vrai dans l’affaire fortement médiatisée du glyphosate que la Commission européenne a pris la décision de renouveler son autorisation, elle n’a cependant pas agi seule mais sur la base de critères d’approbation préalablement fixés dans un règlement adopté par le Parlement européen et le Conseil (article 4 du règlement).
La procédure législative ordinaire oblige le Conseil et le Parlement à s’accorder sur un texte commun dont l’adoption obéit à une procédure formelle et éventuellement à une procédure informelle. Sur le plan formel, une proposition de la Commission est déposée au Conseil et au Parlement européen qui doit alors la transmettre à l’autre institution après avoir arrêté sa position. Le Parlement dispose à cet égard du droit de modifier la version initiale proposée par la Commission européenne et la version modifiée par le Conseil (amendements). Dans le cadre de la directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le Parlement a ainsi usé de ce pouvoir de modification pour limiter l’hypothèse dans laquelle un enfant puisse être placé en rétention (amendement 10). Plus récemment, dans le cadre de la procédure sur l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires nationaux de voyageurs, le Parlement européen n’a pas hésité à faire usage des amendements pour préserver la marge d’appréciation des autorités locales lorsqu’elles définissent et mettent en place le service public ferroviaire – par exemple les conseils régionaux en France pour les services ferroviaires par TER – (voir les amendements 28 et 69).
Le cas particulier du trilogue
Sur le plan informel, il peut exister durant la procédure législative des réunions entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil, appelées « trilogue », par lesquelles ces institutions négocient sur les désaccords potentiels ou avérés du texte. Ces réunions permettent dans la pratique d’éviter que le Conseil et le Parlement européen manifestent uniquement leurs divergences dans le cadre de la procédure formelle, lesquelles, en l’absence d’échanges entre institutions, pourraient se solder par un échec de l’adoption du texte. Lorsqu’un accord informel est trouvé entre les institutions, le texte devra ensuite être adopté séparément par le Conseil et par le Parlement européen. Si de telles réunions ont montré leur efficacité, à l’image par exemple de l’accord récent sur la directive relative aux droits d’auteurs, elles manquent pourtant de transparence. Le déroulement des réunions et des débats reste opaque, et la séance plénière du parlement ressemble alors davantage à une chambre d’enregistrement.
La procédure législative spéciale : un Parlement européen écarté au profit du Conseil
Au contraire de la procédure législative ordinaire, la procédure législative spéciale renvoie à des situations dans lesquelles un déséquilibre dans le processus d’adoption d’actes législatifs persiste entre les deux co-législateurs. Formellement, cette procédure vise la situation dans laquelle un acte est adopté par le Conseil avec la participation du Parlement européen ou inversement (article 289 §2 TFUE).
En réalité pourtant, les hypothèses se révèlent largement favorables au Conseil. Les États membres ont en effet souhaité que seuls les représentants des gouvernements (le Conseil) conservent le contrôle sur des sujets particulièrement sensibles.
Le contrôle du Parlement européen n’est pas inexistant, mais il est très variable. Par exemple, si toute personne ayant la nationalité d’un des États membres de l’Union et résidant dans un autre État membre peut voter et être élue aux élections municipales de cet État, c’est le Conseil qui en détermine les modalités et les conséquences après consultation du Parlement (article 22 §1 TFUE). Il a par exemple décidé qu’un État membre est libre d’interdire à un tel élu de prendre part à l’élection des membres d’une assemblée parlementaire (article 5 § 4 de la directive 94/80), hypothèse reprise en France, le code électoral interdit à toute personne n’ayant pas la nationalité française de faire partie du collège électoral élisant les membres du Sénat (article L0286-1 du code électoral). Ici, le Parlement européen doit uniquement être consulté, son avis n’a juridiquement aucune influence sur la position du Conseil.
Dans d’autres situations pourtant, le Parlement européen dispose d’un pouvoir plus contraignant. La mise en place d’un Parquet européen destiné à lutter contre la fraude fiscale repose ainsi certes sur une décision du Conseil, mais elle ne peut s’exercer qu’après approbation du Parlement européen (article 86 § 1 TFUE). Concrètement, cela signifie que le Parlement dispose d’un droit de veto sur le projet du Conseil, l’obligeant alors dans le cadre de réunions informelles à négocier avec lui pour éviter une telle issue. Plus contraignant que la simple consultation, l’approbation ne donne cependant pas au Parlement un pouvoir équivalent à celui dont il dispose à travers la procédure législative ordinaire. Il ne peut en effet pas influer sur l’ensemble du contenu de l’acte mais seulement en porter une appréciation globale. Cette exigence d’approbation du Parlement européen se retrouve d’ailleurs au-delà de la seule adoption d’actes législatifs et lui permet de peser dans des matières d’une grande sensibilité. Elle vaut ainsi pour les accords internationaux signés par le Conseil et négociés par la Commission européenne tels que le traité CETA (article 218 § 6 TFUE). C’est ainsi sous l’impulsion du Parlement européen que le mécanisme initial de règlement des différends entre les investisseurs et États a évolué vers davantage de transparence.
En conclusion, la diversité des pouvoirs dont dispose le Parlement européen lui a permis progressivement de s’affirmer comme un véritable co-législateur et une institution incontournable de l’Union européenne.
Rédaction Thomas Destailleur / Les Surligneurs
Illustrations FactoScope
Merci pour ces informations
Bravo, voilà un article bien utile sur le fonctionnement de l’Europe !
Très bien fait merci !